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Contrats BIM (Building Information Modeling): à quoi faut-il faire attention ?

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Le BIM (Business Information Modeling) est un outil de plus en plus utilisé par les services de construction et par les maîtres d’ouvrage publics. En quelques mots, la méthode BIM est une méthode numérique utilisée durant les phases de planification et d’exécution d’un projet de construction, qui permet aux participants (tels qu’architecteurs, ingénieurs, maître d’ouvrage, etc.) d’utiliser des modèles de bâtiments virtuels pour permettre une meilleure coopération et une coordination simplifiée entre ces différents acteurs. La méthode BIM permet non seulement de visualiser le projet détaillé en 3D, mais il permet surtout d’identifier de potentielles incohérences entre les différents volets d’un même projet.   


L’intérêt croissant pour ce nouvel outil soulève toutefois des questions juridiques complexes, en particulier en lien avec les contrats à conclure qui prévoient son utilisation. A cet effet, plusieurs institutions ont émis des directives et recommandations pour manier cet outil.


L’on peut citer notamment différents textes de la SIA (Société suisse des ingénieurs et architectes), en particulier leur Cahier technique n° 2051, le Cahier technique de l’association Bâtir Digital Suisse, ou encore les Recommandations de la KBOB concernant l’utilisation du BIM. 


Quand bien même ces textes recèlent toute une série d’informations indispensables, il n’en demeure pas moins que la rédaction des contrats qui prévoient l’utilisation du BIM mérite d’être examinée attentivement.


a) Définition des objectifs de planification :


Dans une première phase, dite la phase « pré-contractuelle », il est primordial que les différents intervenants définissent d’une part des spécifications fonctionnelles – à savoir que le maître d’ouvrage formule des objectifs ou des applications déterminées du BIM à son projet – ainsi qu’un cahier des charges d’autre part – à savoir comment et avec quelles applications il souhaite atteindre ses objectifs. Ces deux éléments devraient ensuite se retrouver dans le contrat BIM à conclure.


A ce stade, il est donc important de définir les objectifs et phases du projet, le « produit » numérique fini souhaité, les rôles et responsabilités dans le processus BIM, les méthodes de travail et de communication, les aspects techniques et de traitement des données, ainsi que les garanties données. Ces différents paramètres posés, il sera ensuite plus aisé de rédiger un contrat BIM bien ficelé.


b) La rédaction du contrat :


La rédaction des contras BIM peut être facilitée par l’utilisation de modèles ou contrats-types, mais il existe toutefois de nombreuses manières de construire l’architecture d’un tel contrat. Comme les utilisations du BIM sont diverses et variées, il en va de même pour les contrats qui prévoient cette utilisation.


Il est par exemple envisageable de prévoir des contrats individuels avec chaque entreprise impliquée, dans lesquels sera intégrée une clause additionnelle BIM. Pour ce faire, La Convention complémentaire BIM SIA 1001/11:2018 sert souvent de base. Elle ne saurait toutefois correspondre à tous les types de projet et doit souvent être adaptée.


Il est également possible de conclure un contrat unique avec toutes les entreprises qui participent au projet, dans lequel seraient exposés les droits et obligations des différents intervenants. Un tel contrat unique sera forcément plus complexe à rédiger, ce qui augmente les risques d’incidents contractuels. La réunion de ces différents cocontractants pourrait en revanche constituer une société simple au sens du Code des obligations ; dans un tel cas, la responsabilité solidaire de tous les associés serait engagée.


Dans tous les cas, le contrat doit être adapté à l’ampleur du projet, au nombre d’acteurs impliqués, à leur expérience en matière de BIM ainsi qu’aux objectifs de chaque partie.


c) La responsabilité :


Les contrats BIM soulèvent une question importante en matière de responsabilité. En effet, il s’agit premièrement de savoir si les parties prenantes concluent en réalité un contrat de mandat ou un contrat d’entreprise. En l’espèce, les travaux de projet sur le modèle BIM sont en principe assimilés à un contrat d’entreprise (art. 363 ss CO), car un réel projet numérique est créé. Les aspects organisationnels d’un projet de construction et partant les tâches du coordinateur BIM pourraient quant à elles ne ressortir que du contrat de mandat (art. 394 ss CO). L’étendue de la responsabilité ne sera pas la même.


Dès lors que l’un des objectifs principaux de l’utilisation du BIM est d’identifier des problèmes ou conflits dans le cadre d’un projet de construction, la responsabilité du coordinateur BIM est d’autant plus importante. Il incombera à cette personne ou entreprise de faire notifier les avis des défauts nécessaires et de coordonner les corps de métier impliqués.


En outre, le recours au BIM soulève forcément des questions d’IT : il convient de prévoir des clauses spécifiques au sujet de l’infrastructure IT utilisée et en matière de responsabilité en cas de problèmes informatiques, de pannes ou d’intrusion de tiers. Les droits accordés aux différents utilisateurs, les moyens de sauvegarde, ainsi que les questions de protection des données devront elles aussi faire l’objet d’un examen attentif. 


d) Dans les marchés publics :


L’utilisation du BIM concerne également les projets qui ont fait l’objet d’un appel d’offres conformément à la Loi sur les marchés publics. Le recours au BIM peut alors devenir un critère d’aptitude ou d’adjudication, annoncé dans l’appel d’offres.


Dans ce contexte, il est recommandé de présenter de manière transparente et claire les directives BIM dans les documents d’appel d’offres. Les soumissionnaires pourront ainsi prendre connaissance en amont des prestations de planification attendues et sauront si la méthode de travail proposée peut leur convenir et surtout s’ils ont les ressources internes nécessaires.


En fonction de l’ampleur du projet et de la nécessité d’utiliser le BIM, il est également possible de prévoir un appel d’offres pour les prestations BIM elles-mêmes.


e) Et la propriété intellectuelle ?


Les parties prenantes à un projet qui utilise le modèle BIM seraient enfin bien avisées de prévoir à l’avance des dispositions en matière de propriété intellectuelle. En effet, les différents intervenants risquent de vouloir réutiliser certains éléments créés dans le cadre d’un projet particulier. Se posera donc inévitablement la question de savoir dans quelle mesure certains droits de PI seront transférés au maître d’ouvrage. Même dans l’hypothèse où l’entrepreneur accepte de céder ses droits, il devra vérifier attentivement s’il est bien en mesure de procéder à cette cession ou s’il viole ainsi les droits de tiers (en particulier de sous-traitants).


***


A l’ère de la digitalisation, l’utilisation du BIM et le recours à la construction numérique vont certainement continuer à prendre de l’ampleur. Dans ce contexte, il est toutefois important de garder à l’esprit que le cadre contractuel doit lui aussi être en constante mutation et qu’il doit systématiquement être adapté aux besoins d’un projet particulier.


L’équipe de Wilhelm Gilliéron Avocats SA peut vous assister dans ce domaine.

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