Les apports en nature jouent un rôle essentiel dans la constitution et l’augmentation du capital social des sociétés anonymes en Suisse. Contrairement aux apports en espèces, ces apports consistent à transférer des biens matériels ou immatériels dans le patrimoine de la société en échange d’actions. Bien que cette méthode offre de nombreux avantages, elle comporte aussi certains inconvénients qu’il est crucial de comprendre.
Les apports en nature dans une société anonyme doivent respecter plusieurs conditions prévues par le Code des obligations, à savoir notamment :
(i) La valeur de l’apport : la loi prévoit expressément que l’actif doit pouvoir être porté à l’actif du bilan. En d’autres termes, il doit pouvoir faire l’objet d’une estimation avec un degré de fiabilité suffisant. En ce sens, l’apport en nature doit être évalué à sa juste valeur. La société doit donc s’assurer que les biens apportés ont une valeur équivalente au montant des actions émises. Cette évaluation est cruciale, car elle garantit que les actionnaires apporteurs reçoivent des actions en proportion de la valeur réelle de leurs apports. La valeur des apports doit être établie de manière objective et fondée, idéalement par un expert indépendant (réviseur agréé).
(ii) Transférabilité de l’actif apporté : l’actif doit pouvoir être transféré dans le capital de la société, sans obstacle contractuel ou légal.
(iii) Disponibilité immédiate de l’actif apporté : l’actif doit pouvoir être immédiatement disponible, et la société doit pouvoir en disposer économiquement et juridiquement. Un actif qui ferait l’objet d’une contestation ne pourrait être utilisé pour libérer le capital.
(iv) La réalisation possible de l’actif :l’actif doit être réalisable pour pouvoir satisfaire les créanciers de la société, de sorte qu’un certain marché doit exister pour l’actif en question ; la société doit être en mesure de la transférer à des tiers et de le convertir en liquidités. Il doit ainsi servir de garantie pour les créanciers.
(v) La légalité des apports : les apports doivent être conformes à l’ordre public et ne peuvent consister en des biens dont la propriété serait illégale. Par exemple, des biens acquis par fraude ou en violation des lois suisses ne peuvent être apportés à une société.
(vi) Un contrat écrit ou en la forme authentique : l’apport en nature requiert un contrat entre les fondateurs (ou les personnes qui effectuent l’apport) et la société en constitution, contrat qui doit revêtir la forme écrite, voir la forme authentique si cette forme est nécessaire pour la cession de l’apport.
Pour quelles raisons effectuer des apports en nature à une société anonyme ?
L’un des principaux avantages des apports en nature réside dans la flexibilité qu’ils offrent aux fondateurs. En effet, plutôt que de devoir réunir une somme d’argent liquide pour constituer le capital social, les fondateurs peuvent apporter des biens qu’ils possèdent déjà, comme des immeubles, des équipements ou des brevets. Cette option est particulièrement avantageuse lorsque les fondateurs n’ont pas les liquidités nécessaires mais possèdent des actifs représentant une certaine valeur. De plus, les apports en nature permettent également de valoriser des actifs immatériels, comme des droits de propriété intellectuelle, qui peuvent être essentiels pour le développement de l’entreprise.
En choisissant cette méthode, les fondateurs peuvent renforcer le capital social de la société sans avoir à faire appel à des investisseurs externes, ce qui leur permet de garder un contrôle total sur l’entreprise. Cela peut être un atout majeur, notamment pour les entrepreneurs souhaitant préserver leur indépendance. Les apports en nature peuvent aussi accélérer la création de l’entreprise, surtout si les fondateurs possèdent déjà des biens stratégiques qui peuvent être intégrés directement dans le capital social, évitant ainsi des démarches longues de levée de fonds.
Cependant, les apports en nature ne sont pas sans risques. L’un des inconvénients majeurs est la complexité de l’évaluation des biens apportés. La valorisation d’un bien, surtout lorsqu’il s’agit de biens immatériels tels que des brevets ou des droits d’auteur, peut être délicate et subjective. Une évaluation incorrecte peut entraîner des conflits ou des contestations entre actionnaires, et nuire à la crédibilité de la société. Cette évaluation doit d’ailleurs être réalisée par un expert indépendant (réviseur agréé), ce qui peut entraîner des coûts supplémentaires et allonger le processus de création de la société.
En outre, les fondateurs qui réalisent des apports en nature endossent une responsabilité non négligeable. Si les biens apportés sont mal évalués ou s’ils ne correspondent pas à leur description, ils peuvent être tenus responsables. De plus, des poursuites civiles ou pénales peuvent être engagées en cas de fraude ou de mauvaise gestion des apports. Les formalités administratives liées aux apports en nature sont également relativement lourdes. La société doit veiller à respecter les exigences légales en matière de formalités de transférabilité, de rapports d’expertise et de modification des statuts, ce qui peut entraîner des délais supplémentaires et des frais non négligeables.
Enfin, il faut souligner que les apports en nature peuvent poser des problèmes de liquidité à long terme. Contrairement aux apports en espèce, qui permettent un accès direct aux fonds, les biens apportés peuvent être difficiles à convertir rapidement en liquidités si la société en a besoin. Cela peut être un inconvénient en cas de difficulté financière ou de besoin urgent de trésorerie.
En conclusion, les apports en nature constituent une option intéressante pour les fondateurs d’une société anonyme, notamment en termes de flexibilité et de valorisation d’actifs immatériels. Toutefois, cette méthode comporte des risques, notamment liés à l’évaluation des biens et à la responsabilité des fondateurs. Il est essentiel que les fondateurs soient bien informés et s’entourent de conseils juridiques et financiers compétents pour éviter les écueils et optimiser leur stratégie d’apport en nature.
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