Certaines modifications du code de procédure civile prévues au 1er janvier 2025 méritent quelques remarques, et nous nous penchons dans cette contribution sur les nouveautés relatives au droit de réplique inconditionnel, déduit du sacro-saint droit d’être entendu, fondamental en matière de droit à un procès équitable, gardien des dérives procédurales.
Les modifications apportées à l’article 53 du code de procédure civile ne sont pas surprenantes dès lors qu’elles se contentent de codifier les principes dégagés par la jurisprudence jusqu’à ce jour. Il n’est toutefois pas inutile de s’y attarder quelque peu pour s’y familiariser.
A compter du 1er janvier 2025, la nouvelle disposition, qui sera complétée avec un nouvel alinéa 3, se lira comme suit :
Art. 53 Droit d’être entendu
1 Les parties ont le droit d’être entendues.
2 Elles ont notamment le droit de consulter le dossier et de s’en faire délivrer copie pour autant qu’aucun intérêt prépondérant public ou privé ne s’y oppose.
3 Elles peuvent se déterminer au sujet de tous les actes de la partie adverse. Le tribunal leur impartit un délai de dix jours au moins. Passé ce délai, les parties sont considérées avoir renoncé à se déterminer.
De manière résumée, le droit de réplique est le droit de prendre position sur tout nouvel élément figurant au dossier dans le cadre d’une procédure. C’est un principe fondamental du procès civil, largement reconnu dès lors qu’il est une expression spécifique du célébrissime droit d’être entendu, consacré à l’article 29 al. 2 de la Constitution fédérale et du droit au procès équitable, prévu notamment à l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.
Plus précisément, le droit de réplique impose aux tribunaux de porter toute prise de position de l’autorité inférieure, détermination de la partie adverse ou nouvelle pièce qui leur parvient, à la connaissance des parties et de donner à ces dernières la possibilité de se déterminer à leur sujet.
La doctrine fonde ce droit de réplique dans la confiance des justiciables en la justice, qui se base sur la certitude de pouvoir se déterminer par rapport à toute pièce du dossier.
Comment et quand exercer son droit de réplique ?
Jusqu’à ce jour, les modalités d’exercice du droit de réplique inconditionnel ont été en grande partie façonnées par les tribunaux. En particulier, le code de procédure civile ne prévoit aucune disposition visant à encadrer le délai dans lequel peut s’exercer un droit de réplique inconditionnel. Or, les délais sont la clé de voûte de toute procédure civile.
Par ailleurs, le droit de réplique doit s’exercer spontanément. Il faut comprendre par là qu’il appartient aux parties, et non au juge, de faire l’exercice d’appréciation d’un élément ou document ou prise de position nouvellement versés au dossier, d’évaluer si ces derniers contiennent des éléments déterminants qui appellent des observations de leur part. Toute prise de position ou pièce nouvelle versée au dossier doit dès lors être communiquée aux parties pour leur permettre de décider si elles veulent ou non faire usage de leur faculté de se déterminer.
Encore à ce jour, l’exercice du droit de réplique n’impose pas à l’autorité judiciaire l’obligation de fixer un délai à la partie pour déposer d’éventuelles observations. Elle doit seulement lui laisser un laps de temps suffisant, entre la remise des documents et le prononcé de sa décision, pour que la partie à la procédure ait la possibilité de déposer des observations si elle l’estime nécessaire. En d’autres termes, la partie doit pouvoir avoir le temps de réagir dans un délai raisonnable avant que l’on puisse considérer qu’elle a renoncé à exercer son droit de réplique.
Le délai raisonnable précité a bien évidemment été délimité par le Tribunal fédéral, et il est ainsi de jurisprudence constante qu’un délai inférieur à dix jours ne suffit pas à garantir l’exercice du droit de répliquer, tandis qu’un délai supérieur à vingt jours permet, en l’absence de réaction, d’inférer qu’il a été renoncé au droit de répliquer. En d’autres termes, une autorité ne peut considérer, après un délai de moins de dix jours depuis la communication d’une détermination à une partie, que celle-ci a renoncé à répliquer et rendre sa décision.
Avec l’entrée en vigueur au 1er janvier 2025 des modifications apportées à l’article 53 du code de procédure civile, le délai minimal de 10 jours d’exercice du droit de réplique inconditionnel précité est désormais codifié.
L’on précise ici que ce délai commence à courir à partir de la communication par le tribunal et non par le conseil de la partie adverse.
Cette codification amène les précisions suivantes :
L’on précise encore que l’introduction d’un délai dans la nouvelle mouture de l’article 53 implique inévitablement que le droit de se prononcer s’éteint avec l’échéance du délai, ce qui n’était pas le cas sous le régime jurisprudentiel.
Que se passe-t-il enfin si le tribunal ne fixe aucun délai ? L’on peut considérer qu’il n’y aura pas de sanction suite à cette omission si la partie exerce spontanément son droit dans le délai judiciaire de 10 jours ou ultérieurement, tant que cette possibilité existe encore. Si toutefois elle ne peut être réparée devant le tribunal saisi, la violation du droit de répliquer doit être sanctionnée par une annulation de la décision rendue, lorsque la partie concernée démontre que l’acte en cause contenait des éléments déterminants qui appelaient des observations de sa part.
Malgré cette codification du régime jurisprudentiel, l’on rappelle ici que le droit de réplique est certes inconditionnel mais n’est pas illimité pour autant.
Il offre sans doute une occasion aux parties de commenter les prises de position de part et d’autre en cours de procédure, mais il ne permet en aucun cas de contourner les règles applicables en matière d’allégations, d’apport de preuves, de griefs et de conclusions, qui sont strictement régies par les règles procédurales.
A titre d’exemple, une partie recourante ne pourra pas présenter, sur la base du droit de réplique spontané, des conclusions et des griefs qu’elle pouvait déjà faire valoir dans son acte de recours, elle ne saurait non plus, par le biais du droit de réplique, remédier à une motivation défaillante ou encore compléter les motifs de son recours.
En d’autres termes, le droit de réplique garantit un droit de s’exprimer sur un acte versé au dossier, des allégations de nouveaux faits devant quant à eux répondre aux exigences prévues par le code de procédure civile à cet effet, à savoir les novas.
La codification du régime jurisprudentiel à l’article 53 al. 3 du code de procédure civile, bien que prévisible, est bienvenue et permet ainsi d’éviter que les parties à une procédure se voient forcloses d’exercer leurs droits procéduraux.
La portée de ces modifications sera certainement encore sujette à précision et clarification par les tribunaux suisses.
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