Dans un arrêt du 9 juillet 2024 (4A_508/2023) le Tribunal fédéral a eu l’occasion de préciser sa jurisprudence sur la durée des mandats des administrateurs de société anonyme après le cataclysme posé par sa jurisprudence de 2021.
Rappelons en effet que dans un précédent et désormais célèbre arrêt du 3 décembre 2021 (ATF 148 III 496), la Ière Cour de droit civil du Tribunal fédéral avait en particulier jugé que :
Cette jurisprudence[1] a provoqué un véritable séisme dans le petit monde de la société anonyme. Sa radicalité a laissé les plaideurs et les cours civiles de première instance passablement démunis. En effet, la grande majorité des petites sociétés avait au fil du temps considéré que la réélection des membres du conseil d’administration était quasi automatique ou ne se faisait qu’au gré des assemblée générales, lesquelles n’avait pas forcément la régularité que la loi ou les statuts imposaient.
Il s’en est suivi un grand nombre de litiges portés devant les tribunaux par des actionnaires mécontents et conduits par des plaideurs audacieux et imaginatifs au sujet de décisions prises par le conseil d’administration et tentant de les invalider en arguant de leur non-réélection dans les délais imposés par cette nouvelle jurisprudence.
Fort heureusement, le Tribunal fédéral semble mettre un peu d’eau dans son vin au fil des cas présentés devant son autorité.
C’est ainsi que dans son arrêt du 9 juillet 2024 (4A_508/2023)[2], notre Haute Cour a décidé qu’une disposition statutaire prévoyant que « la société est administrée par un conseil d’administration composé d’un ou plusieurs membres, nommés par l’assemblée générale pour la période s’écoulant jusqu’à la prochaine assemblée générale ordinaire » ne déroge ni à l’article 710 CO qui prévoit par défaut que la durée des fonctions des membres du conseil d’administration est de trois ans pour les sociétés non cotées (contre un an pour ces dernières), ni à l’article 699 al. 1 CO qui prévoit que l’assemblée générale ordinaire a lieu chaque année dans les six mois qui suivent la clôture de l’exercice, cela même si d’autres dispositions statutaires prévoient que l’assemblée générale doit se réunir » chaque année dans les six mois suivant la clôture de l’exercice social « .
A l’appui de son raisonnement, le Tribunal fédéral a rappelé quelques fondamentaux qui devraient tempérer les ardeurs de certains plaideurs.
En premier lieu, les Juges de Mon-Repos ont rappelé leur jurisprudence (arrêts 4A_441/2021du 28 décembre 2021 cons. 2.4; 4A_646/2014 du 14 avril 2015 cons. 4.2) selon laquelle, conformément à l’article 699 al. 2 CO, l’assemblée générale ordinaire doit avoir lieu chaque année dans les six mois qui suivent la clôture de l’exercice social n’est qu’un délai d’ordre.
En second lieu, lorsqu’il s’agit d’interpréter des statuts, notre Haute Cour a rappelé au considérant 3.1.2 de cet arrêt que « les méthodes d’interprétation peuvent varier en fonction du type de société. Pour l’interprétation des statuts de grandes sociétés, on recourt plutôt aux méthodes d’interprétation de la loi. Pour celle de statuts de petites sociétés, on se réfère plutôt aux méthodes d’interprétation des contrats, à savoir une interprétation selon le principe de la confiance, l’interprétation subjective n’entrant en considération que si les sociétaires sont très peu nombreux (ATF 140 III 349 consid.2.3 et les arrêts cités) ».
Dans le cas d’espèce, soit dans le cas d’une société anonyme à deux actionnaires 50/50, appliquant la méthode d’interprétation subjective précitée, la Ière Cour de droit civile du TF a jugé que des statuts qui ne limitent pas la durée des mandats des membres du conseil d’administration de la société à un an ne sont pas contraires au droit dès lors que la tenue de l’assemblée générale ordinaire dans les six mois qui suivent la clôture de l’exercice n’est qu’un délai d’ordre et que les statuts ne fixent pas en mois la durée des mandats. On ne peut que saluer cette jurisprudence qui tempérera les velléités de certains actionnaires tentés d’interpréter de façon trop extensivement en leur faveur la jurisprudence susmentionnée du 3 décembre 2021. Par ailleurs, on ne peut s’empêcher de penser qu’une clause statutaire prévoyant – dans les limites légales – un régime souple au sujet de la durée des mandats d’administrateurs peut dans bien des cas et plus particulièrement en ce qui concerne les petites sociétés représenter la solution la plus adéquate.
[1] https://www.wg-avocats.ch/actualites/carences-dans-lorganisation-de-la-societe-anonyme-art-731b-co-comment-eviter-ce-piege-et-ou-remedier-a-la-situation-de-blocage/
[2] Voir les remarques sur cet arrêt de Markus Vischer et Dario Galli, « Die Amtsdauer der Mitglieder des VR als Auslegungsfrage », RSDA 6/2024 pp. 754-766.
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