Il n’est pas rare que deux entreprises désireuses de conclure un contrat ensemble disposent toutes les deux de conditions générales, et que les deux entreprises cherchent à faire appliquer leurs propres conditions générales au contrat.
Par exemple, une entreprise A souhaitant vendre des machines de précision fera référence dans son offre à ses propres conditions générales de vente, tandis que l’entreprise B désireuse d’acheter ces machines de précision tentera de placer une référence à ses propres conditions générales d’achat dans son acceptation. Quelles conditions générales s’appliqueront donc in fine à la conclusion d’un contrat entre ces deux entreprises ?
A titre d’introduction, nous rappelons que les conditions générales sont des dispositions contractuelles préformulées décrivant tout ou partie du contenu de contrats, dont bon nombre d’entreprises font usage lorsqu’elles entrent en relation contractuelle avec des tiers.
Pour être intégrées au contrat, les conditions générales doivent être acceptées par les parties, qui doivent expressément y faire référence dans l’offre ou dans l’acceptation (AGB-Übernahme). Sans référence expresse, les conditions générales ne produisent aucun effet.
La règle en droit suisse qui permet de trancher la question de l’application des conditions générales dans un contrat entre deux sociétés faisant référence à leurs propres conditions générales est communément appelée « battle of the forms », et existe également aux Etats-Unis sous une forme quelque peu différente.
Bien que les opinions doctrinales en Suisse divergent à ce sujet, selon le point de vue défendu ici, il convient d’appliquer les règles sur l’offre et l’acceptation. En effet, si les conditions générales des deux entreprises divergent sur des points objectivement essentiels du contrat (art. 2 CO), il n’y a pas d’accord, et donc pas de contrat entre les parties.
Si, au contraire, les conditions générales des deux entreprises ne divergent que sur des conditions subjectivement essentielles, la règle générale est qu’un contrat est tout de même conclu entre les parties, sans que les conditions subjectivement essentielles divergeant ne deviennent toutefois parties intégrantes du contrat.
Défendue par certains auteurs, la théorie dite « du dernier mot » (Theorie des letzten Wortes), selon laquelle la référence de l’entreprise B à ses propres conditions générales dans l’acceptation est considérée comme acceptée par l’entreprise A si cette dernière n’exprime pas son refus dans un certain délai, ne saurait trouver application en l’espèce. En effet, dans un tel cas, l’acceptation de l’entreprise B devrait selon nous plutôt être qualifiée de rejet ainsi que de nouvelle offre. Partant, si l’entreprise A ne se détermine pas au sujet de cette nouvelle offre de l’entreprise B, alors il n’y a pas d’acceptation, et aucun contrat n’est conclu entre les parties.
En pratique, afin de tout de même se prémunir du risque de l’application de la théorie dite « du dernier mot », il peut s’avérer utile pour l’offreur de prévoir une clause de défense dans les conditions générales, qui peut être formulée comme suit :
« Tous nos contrats, ventes, livraisons et autres prestations relèvent entièrement de présentes conditions générales, sauf si elles ont été modifiées ou complétées par des conventions écrites. Nous réfutons d’avance toute application des conditions générales de nos partenaires d’affaires. »
Pour trancher la question de l’application des conditions générales dans les contrats soumis au droit américain, l’on distingue selon l’objet du contrat. S’il s’agit d’un contrat de services ou choses intangibles (patentes, droit d’auteur etc.), le common law trouve application.
Or, selon la mirror image rule découlant du common law, une acceptation doit correspondre à tous points à l’offre. Si l’acceptation prévoit ne serait-ce qu’une condition contractuelle supplémentaire – par exemple une référence à l’application de ses propres conditions générales – alors elle constitue à la fois un rejet de l’offre ainsi qu’une contre-offre.
S’il s’agit en revanche de transactions commerciales entre deux entreprises (merchants) concernant des marchandises (manufactured goods), le Uniform Commercial Code (« UCC ») s’applique.
Selon le UCC, la battle of the forms rule s’applique au cas d’espèce.
Prenons l’exemple de notre entreprise A qui soumettrait à une offre de vente de machines de précision à une société américaine C, dans des conditions où le droit américain s’applique en exclusion de la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandise (CISG). Dans un tel cas de figure, si l’entreprise A fait référence à ses conditions générales dans son offre, et que la société américaine C rajoute dans son acceptation des termes additionnels tels qu’une référence à ses propres conditions générales, l’offre est réputée acceptée si les trois conditions ci-après sont réunies : (1) l’offre originale ne prohibait pas des termes additionnels, (2) les termes additionnels n’augmentent pas matériellement le risque ou le coût de l’offreur et (3) l’offreur ne s’est pas opposé à l’application des termes additionnels requis dans l’acceptation dans un temps raisonnable.
Si l’une des conditions fait défaut, alors les termes additionnels constituent une contre-offre.
Il sied toutefois de constater qu’il est également primordial pour toute entreprise suisse vendant des marchandises à une société américaine de prévoir une clause de défense dans ses conditions générales, afin de palier au risque de l’application des conditions générales de la société américaine.
Au vu de ce qui précède, force est de constater qu’une clause de défense dans les conditions générales permet de pallier au risque de l’application de la théorie dite « du dernier mot » en Suisse, ainsi qu’à l’application de la battle of the forms rule aux Etats-Unis, en cas de transaction soumise au droit américain avec une société américaine.
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