Droit des sociétés

L’assemblée générale ordinaire et le nouveau droit de la SA : qu’est-ce qui change ?

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Fin février de chaque année, pour les sociétés qui clôturent leur exercice comptable statutaire au 31 décembre de l’année précédente, est le moment où le conseil d’administration (CA) doit commencer à organiser la tenue de l’assemblée générale ordinaire.


Le nouveau droit de la société anonyme est entré en vigueur au 1er janvier 2023. Ses nouvelles dispositions impliquent-elles de nouvelles obligations pour le CA ? Pas vraiment, mais le nouveau droit est l’occasion pour le CA de s’interroger sur ce rendez-vous annuel et de moderniser ses pratiques.


Nous suggérons ci-après quelques pistes à ce sujet, pistes s’adressant avant tout aux sociétés anonymes non cotées en bourse.


1. Le délai :


L’assemblée générale ordinaire doit être organisée au moins une fois par année et dans les six mois suivant la date de clôture de l’exercice statutaire. Le Tribunal fédéral a rappelé les conséquences du non-respect de ce délai d’ordre. Elles peuvent être importantes et paralyser le fonctionnement de la société anonyme qui peut se retrouver en effet sans conseil d’administration valablement élu et capable de prendre les décisions relevant de sa compétence. L’assemblée générale ordinaire (AGO) a essentiellement pour objet de (1) informer les actionnaires sur la gestion de la société durant l’année écoulée et leur présenter les comptes annuels statutaires, (2) les faire approuver ou rejeter cette gestion et ces comptes ainsi que, le cas échéant, le rapport de l’organe de de révision, (3) procéder à l’approbation du versement éventuel de dividendes[1], (4) nommer les membres du conseil d’administration et l’organe de révision, s’il y en a un.


2. La convocation :


Elle est assurée par le conseil d’administration. Elle doit être adressée par écrit aux actionnaires au moins 20 jours avant la date de l’assemblée générale et mentionner les points à l’ordre du jour énumérés par l’article 700 nCO. Le nouveau droit précise que les points à l’ordre du jour doivent respecter l’unité de la matière. Il nous semble ainsi désormais risqué de prévoir dans une même AG ordinaire non seulement les points habituels lités ci-dessus d’une AGO mais également des points qui sont normalement décidés par une AG extraordinaire, comme une augmentation de capital par exemple. Soulignons que le nouveau droit n’a pas modifié le seuil de 10 % du capital-actions ou des voix qu’un ou des actionnaires doivent atteindre pour requérir la convocation de l’assemblée générale ordinaire des actionnaires en cas d’inaction du CA. Le nouveau droit impose toutefois désormais un délai de 60 jours au CA pour faire suite à une demande de convocation émanant d’un ou d’actionnaires ayant atteint ce seuil minimal. De même, le nouveau droit pose la règle de l’accessibilité électronique du rapport de gestion et du rapport de révision avant la date de l’assemblée générale. Si tel n’est pas le cas, tout actionnaires peut désormais exiger que ces rapports lui soient délivrés à temps. Il n’est donc à notre sens plus suffisant que ces rapports soient mis à leur disposition au siège de la société.


3. L’ordre du jour :


L’ordre du jour doit contenir les points énumérés à l’article 700 nCO. Le nom du représentant indépendant doit expressément figurer dans la convocation[2]. Les décisions ne peuvent être prises que sur un point prévu par l’ordre du jour, cela à l’exception (1) des propositions déposées par un actionnaire dans le but de convoquer une assemblée extraordinaire (2) d’instituer un examen spécial ou (3) d’élire un organe de révision. Rappelons en outre que le nouveau droit à abaissé de 10% à 5% le seuil du capital-actions ou des voix qu’un ou des actionnaires doivent atteindre pour requérir l’inscription d’un point à l’ordre du jour.


4. Le lieu de réunion :


C’est la grande innovation du nouveau droit dans le cadre de l’assemblée générale. Celle-ci peut en effet désormais avoir lieu soit en présentiel dans un même lieu, soit dans des lieux différents, même à l’étranger, soit sous une forme purement électronique. Précisons toutefois que la tenue d’AG à l’étranger ou sous une forme purement électronique ne peut être valablement organisée que si les statuts le prévoient. L’AGO 2023 pourrait donc permettre de discuter de l’introduction dans les statuts de ce type de possibilité, lequel devra ou non être mis en œuvre par le conseil d’administration et sous sa responsabilité.


5. L’AG universelle :


C’est l’AG où tous les actionnaires sont présents ou représentés[3]. Si tel est le cas, les formes imposées par la loi en matière de convocation et d’inscription à l’avance des points de l’ordre du jour ne sont pas obligatoires. Une AG universelle ne permet toutefois pas de déroger aux règles légales ayant trait au lieu de réunion. Le nouveau droit permet en outre de considérer qu’il y a assemblée universelle si les décisions sont prises par écrit sur papier ou sous forme électronique à moins qu’une décision ne soit requise par un actionnaire ou son représentant.


6. Le procès-verbal :


Il doit être tenu sous la responsabilité du conseil d’administration. Le nouveau droit impose qu’il soit signé par le Président de l’assemblée générale (qui n’est pas forcément le président du CA) et le secrétaire, soit la personne qui a rédigé le procès-verbal (PV). Le nouveau droit impose également que le PV soit délivré dans un délai de 30 jours suivant la tenue de l’AG si un actionnaire l’exige. Cette exigence peut selon nous être exprimée lors de l’AG et devra être consignée au procès-verbal.


7. La prise des décisions et les droits de vote :


Comme nous l’avons relevé dans un précédent paper, le nouveau droit apporte une modification bienvenue aux décompte des votes lors de l’assemblée générale en prévoyant que celui-ci aura lieu a lieu à la majorité relative et non plus absolue des voies représentées à l’assemblée[4]. Les statuts peuvent modifier cette règle par défaut. Cela n’est toutefois que rarement le cas.  Les abstentionnistes pèseront donc désormais moins lourd. Il n’empêche cependant pas le CA de s’assurer que tous les actionnaires soient présents ou représentés à l’AG. Notons également que les membres du conseil d’administration ont le droit d’assister à l’AGO et d’y faire des propositions. Ils peuvent prendre part aux votes s’ils sont actionnaires. Dans une phrase sibylline, l’alinéa 2 de l’article 703 nCO prévoit que « les statuts peuvent prévoir que le président a voix prépondérante en cas d’égalité de voix ». Il s’agit à l’évidence selon nous du président ad hoc de l’assemblée générale et non du président du CA, lequel n’est pas nécessairement actionnaire de la société.


On le voit, pour les PME non cotées en bourse, le nouveau droit n’apporte pas de véritable changement mais une série de petites améliorations offrant de réelles opportunités de moderniser le fonctionnement de l’assemblée générale ordinaire.


2023 est, à notre sens, l’année idéale pour permettre au conseil d’administration de s’en saisir et de moderniser le fonctionnement de ses organes, en particulier celui de l’assemblée générale.




[1] Le nouveau droit permet désormais également le versement de dividendes intermédiaires.


[2] Sur le rôle accru du représentant indépendant dans le nouveau droit de la SA, cf. notre article dans la RSDA 1/2022 pp. 77-88 cf. https://www.wg-avocats.ch/actualites/communications/nouvelle-publication-me-wilhelm/; cf également notre paper du 10 mai 2021 : https://www.wg-avocats.ch/actualites/droit-societes/representant-actionnaires-droit-suisse/


[3] Au sujet de la représentation des actionnaires lors des AG, cf. notre paper du 30 août 2021 : https://www.wg-avocats.ch/actualites/droit-societes/representation-actionnaires-assemblee-generale/


[4] Cf notre paper du 29 mars 2022 : https://www.wg-avocats.ch/actualites/droit-societes/assemblee-generales-abstentionnistes-peuvent-faire-la-difference/

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