Droit des sociétés

Anticiper la révision du droit de la SA dans de nouveaux statuts, c’est possible, mais à certaines conditions.

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Le nouveau droit de la société anonyme (SA) va entrer (enfin) en vigueur le 1er janvier 2023.


Ces nouvelles dispositions vont introduire certains assouplissements dans le fonctionnement de la société anonyme. Ainsi, parmi ces nouveautés (liste non exhaustive), des assemblées générales virtuelles seront désormais possibles (701d nCO) ; elles pourront se tenir à l’étranger (701b nCO) ou dans plusieurs lieux simultanément (701a nCO). Le capital-actions pourra fluctuer (653s nCO). Il pourra également être organisé en monnaies étrangères (621 nCO).


A la veille de ces modifications, il peut être utile pour certaines sociétés d’anticiper ces modifications avant leur entrée en vigueur.


Tel est le cas si une assemblée générale doit se tenir dans les prochaines semaines et qu’elle a déjà pour ordre du jour la modification des statuts. Il peut aussi être utile pour une nouvelle société anonyme qui est fondée ces prochaines semaines d’anticiper dans ses nouveaux statuts les dispositions du nouveau droit à venir.


L’Office fédéral du registre du commerce (OFRC) a émis à cet égard une Communication[1] précisant à quelles conditions des modifications statutaires anticipant le nouveau droit avant son entrée en vigueur sont admissibles.


Pour comprendre les termes assez compliqués de cette Communication, il convient en premier lieu de distinguer suivant les nouvelles normes du droit de la SA :


a. Normes impératives :


Il y a tout d’abord les normes impératives (nous les nommerons normes de catégorie 1) qui s’imposeront aux sociétés anonymes dès le 1er janvier 2023. Ces normes n’ont pas nécessairement besoin d’être traduites dans les statuts pour être obligatoires à l’égard des organes et des protagonistes de toute société anonyme de droit suisse. Tel est le cas des nouvelles dispositions du Code des obligations régissant le droit des actionnaires aux renseignements et à la consultation de documents de la société (697 et suivants nCO) et qui prévoient que dès le 1er janvier 2023 divers nouveaux délais et seuils devront être atteints pour permettre l’exercice de ce droit.


b. Normes dispositives :


Il y a ensuite les nouvelles normes de caractère dispositif (nous les nommerons normes de catégorie 2) qui permettront à la société anonyme de se doter d’une nouvelle institution ou d’adapter son mode de fonctionnement à une nouvelle pratique ou à une nouvelle technologie.  Dans ces cas, la société anonyme pourra décider de ne rien faire et elle restera régie par ses statuts actuels. Elle pourra au contraire décider de les adopter et devra pour ce faire modifier ses statuts. Tel est le cas des exemples distingués plus haut. Ainsi, pour se doter d’une marge de fluctuation de son capital-social, la société devra modifier ses statuts. De même, si la société veut pouvoir organiser des assemblées générales virtuelles au sens du nouvel article 701 d nCO, elle devra modifier ses statuts pour le prévoir et se doter également d’un représentant indépendant.


Dans ces cas-là, il convient alors de distinguer entre les modifications statutaires qui exigent une publication à la Feuille officielle suisse du commerce (nous les nommerons normes de catégorie 2a) de celles qui ne le requièrent pas (nous les nommerons normes de catégorie 2b).


Ainsi, l’introduction d’une marge de fluctuation implique une telle publication (norme de catégorie 2a), tandis que l’adoption d’une disposition statutaire autorisant les assemblées générales virtuelles n’est pas soumise à publication préalable à la FOSC (norme de catégorie 2b).


Pour autoriser une modification statutaire anticipant le nouveau droit, l’OFRC, dans sa Communication précitée, distingue clairement si la modification est sujette ou non à publication, soit entre les normes susvisées de catégorie 2a et celles de catégorie 2b.


Selon l’OFRC, comme les normes de catégories 2a ne pourront faire l’objet d’une réquisition au RC qu’après une publication à la FOSC et qu’une telle publication ne peut être réalisée avant l’entrée en vigueur du nouveau droit, laquelle ira de pair avec l’adoption des dispositions d’exécution du Conseil fédéral, ces normes ne peuvent faire l’objet d’une modification statutaire « à terme ». Tel est, par exemple, le cas des dispositions statutaires adoptant une marge de fluctuation ou une monnaie étrangère pour mesurer la valeur nominale de l’action, puisque les monnaies étrangères admissibles font l’objet d’une annexe à la future révision de l’Ordonnance sur le registre du commerce, laquelle n’admettra que l’Euro, le Dollar américain, la Livre britannique et le Yen japonais, qui entrera également en vigueur le 1er janvier 2023[2].


En ce qui concerne les normes 2b, l’OFRC admet ce qu’il appelle une modification statutaire « à terme ».


L’OFRC, dans sa Communication susmentionnée, impose que les statuts indiquent clairement quelle réglementation s’applique et à quel moment et propose les formulations suivantes :


« Jusqu’à l’entrée du nouveau droit de la société anonyme du 19 juin 2020, soit jusqu’au 31 décembre 2022, la disposition suivante s’applique : [ancienne disposition des statuts].


Dès l’entrée en vigueur du nouveau droit de la société anonyme du 19 juin 2020, soit dès le 1er janvier 2023, la [disposition actuelle] est remplacée par la disposition suivante : [nouvelle disposition des statuts] »


ou, s’il s’agit de l’introduction d’une nouvelle disposition statutaire :


Dès l’entrée en vigueur du nouveau droit de la société anonyme du 19 juin 2020, soit dès le 1er janvier 2023, la disposition suivante s’applique : [nouvelle disposition statutaire] ».


En ce qui concerne les nomes de catégorie 1, mais aussi en ce qui concerne les normes de catégorie 2b distinguées ci-dessus, l’OFRC précise que l’assemblée générale des actionnaires peut prendre une décision conditionnelle de modification des statuts. La disposition statutaire est ainsi adoptée sous la condition suspensive de l’entrée en vigueur de la révision du droit de la société anonyme. L’inscription de telles adaptations pourra ainsi être requise dès l’entrée en vigueur du nouveau droit.


Dans un tel cas de décision conditionnelle de modification des statuts, une modification inconditionnelle doit ensuite être prise et inscrite au Registre du commerce, la modification conditionnelle des statuts devant ainsi faire l’objet d’une nouvelle décision. Dans ce cas, la date des statuts correspondra à la date de cette nouvelle décision inconditionnelle et non à la date de l’entrée en vigueur du nouveau droit de la société anonyme.


On a ainsi vu dans notre pratique l’exemple suivant :


« Dès l’entrée du nouveau droit de la société anonyme du 19 juin 2020, soit vraisemblablement dès le 1er janvier 2023, la disposition suivante s’applique : les séances peuvent également être tenues par vidéoconférence ou autres moyens de communication audiovisuels ou électroniques, à condition que les membres participant par vidéo, dispositif audiovisuel ou autres moyens électroniques puissent être clairement identifiés. En outre, les mêmes dispositions régissant les séances physiques sont applicables aux décisions prises par vidéoconférence ou autres moyens de communication audiovisuels ou électroniques. »


La situation n’est donc pas simple et nous conseillons de prendre un contact préalable avec le Registre du commerce compétent aux fins de s’assurer de l’admissibilité de la clause statutaire envisagée.



[1] https://ehra.fenceit.ch/wp-content/uploads/sites/54/Praxismitteilung-EHRA-1_2022-FR-1.pdf

[2] hregv-f.pdf

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