On le sait, les entreprises suisses actives dans la région frontalière franco-suisse, et même celles au-delà, emploient souvent des travailleurs frontaliers. L’employé est domicilié en France mais vient travailler en Suisse auprès du siège de son employeur.
Or, cet employeur n’est souvent pas conscient qu’en cas de litige relevant du contrat de travail, il sera contraint d’ouvrir action auprès du for du domicile du travailleur, donc en France. Certes, le litige sera régi par le droit suisse faute d’élection d’un autre droit (art. 121 LDIP), mais l’employeur devra ouvrir action en France, devant un tribunal français, souvent peu ou pas du tout compétent en matière de droit suisse du travail.
Cette situation très inconfortable du point de vue de l’employeur, découle de l’application de la Convention de Lugano concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, laquelle a été ratifiée par la France et la Suisse, comme la plupart des autres pays européens d’ailleurs.
En effet, dans un tel cas, l’art. 115 de la Loi fédérale suisse de droit international privé dispose que les tribunaux suisses du domicile du défendeur ou du lieu dans lequel le travailleur accomplit habituellement son travail sont compétents pour connaître des actions relatives au contrat de travail, ne s’applique pas.
L’art. 115 LDIP cède le pas à l’article 20 de la Convention de Lugano, qui s’applique exclusivement. Or, cette disposition ne permet pas à l’employeur d’agir devant le tribunal où l’employé accomplit habituellement son travail, mais prévoit uniquement le for du domicile du travailleur, en les termes suivants :
1. L’action de l’employeur ne peut être portée que devant les tribunaux de l’Etat lié par la présente Convention sur le territoire duquel le travailleur a son domicile.
2. Les dispositions de la présente section ne portent pas atteinte au droit d’introduire une demande reconventionnelle devant le tribunal saisi de la demande originaire conformément à la présente section.
Le seul moyen offert à l’employeur pour agir en Suisse consiste à conclure avec son ancien employé une convention attributive de juridiction, par exemple au for du lieu d’exécution du travail ou au siège de l’employeur s’il est sis en Suisse. Toutefois, cette convention doit impérativement, en vertu de l’art. 21 de la Convention de Lugano, être conclue postérieurement à la naissance du litige, le travailleur ne pouvant pas au préalable choisir d’abandonner son droit à voir l’action judiciaire de son employeur uniquement tranchée par les tribunaux de son domicile.
Il va sans dire que le travailleur, fâché et décidé à en découdre, sera peu enclin à signer ce type de convention attributive de juridiction.
Auteur : Christophe Wilhelm
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