De plus en plus d’employés de sociétés suisses du secteur tertiaire pratiquent le « home-office » ou télétravail, soit travaillent depuis leur domicile quelques jours par semaine ou par mois. Si cette pratique est de plus en plus fréquente, elle ne fait l’objet d’aucune disposition spécifique et il est important que les employeurs fassent preuve d’une certaine prudence et ce principalement dans les zones frontalières.
S’il existe une loi fédérale sur le travail à domicile (LTrD) du 20 mars 1981, complétée par une ordonnance concernant le travail à domicile (OTrD) du 20 décembre 1982, cette loi ne s’applique qu’aux « travaux artisanaux et industriels accomplis à la main ou à la machine qu’un travailleur exécute, seul ou à l’aide de membres de sa famille, dans son propre logement ou un autre local de son choix, et contre versement d’un salaire ». Selon l’OTrD, sont réputés travaux artisanaux et travaux industriels « les opérations servant à produire, transformer, traiter, emballer, remplir ou trier des biens ».
Quant aux dispositions du Code des Obligations (CO) intitulées « Du contrat de travail à domicile », soit les articles 351 à 354 CO, selon les commentateurs du CO, l’article 351 CO « contient le terme d’«exécution» » ce qui signifie que « le travailleur à domicile a ainsi le devoir de produire un ouvrage ou un résultat matériel, puis de le remettre à son employeur, lequel peut ensuite en disposer et l’utiliser ou le mettre sur le marché ».
Le Tribunal fédéral considère ainsi que l’activité de garder à son domicile durant la journée les enfants de tiers, soit l’activité communément appeler « de maman de jour », ne doit pas être considérée comme un travail à domicile au sens des articles 351 et ss CO car la « maman de jour » ne fournit pas un résultat, ne crée rien et ne livre pas un ouvrage aux parents.
Selon nous, il en va de même de l’activité de l’employé du secteur tertiaire qui travaille habituellement dans un bureau dans les locaux de son employeur mais qui est autorisé, quelques jours par semaine ou par mois, à faire du « home-office ».
Cette activité-là n’est donc pas règlementée par une loi ou des dispositions spécifiques et ce sont donc les dispositions générales du Code des obligations en matière de contrat de travail qui s’appliquent. La Loi fédérale sur le travail (Ltr) est également applicable sauf si l’employé concerné a une fonction dirigeante élevée au sein de l’entreprise.
Cela étant exposé, l’employeur qui accepte que ses employés ou certains de ses employés pratiquent le «home-office» doit, selon nous, faire principalement attention à la question de la durée et de la fréquence de l’activité pratiquée à la maison par rapport à l’activité pratiquée au bureau, à la question des frais et de leur remboursement et à la question de la confidentialité des informations.
Bien évidemment, se pose également la question pratique de l’enregistrement de la durée du travail qui peut s’avérer compliquée mais que nous ne traiterons pas ici.
S’agissant de la durée et de la fréquence de l’activité pratiquée, l’employeur qui emploie des travailleurs frontaliers, soit des travailleurs travaillant en Suisse mais habitant en France, doit garder à l’esprit que si l’activité déployée depuis son domicile en France dépasse le 25% de son temps de travail, l’employé sera soumis aux assurances sociales françaises et non aux assurances sociales suisses. De plus, en fonction du pourcentage de l’activité exercée en France, c’est toute la législation française en matière de droit du travail qui pourrait être applicable.
Nous conseillons donc aux employeurs qui acceptent le « home-office », voire le favorise, de le limiter à une durée inférieure à 25% du temps de travail de l’employé. Nous conseillons également aux employeurs de mentionner clairement que le lieu d’activité reste au lieu de travail en Suisse.
S’agissant des frais, le principe posé par l’article 327a alinéa 1 CO, qui est impératif, est que l’employeur est tenu de rembourser « au travailleur les frais imposés par l’exécution du travail et, lorsque le travailleur est occupé en dehors de son lieu de travail, les dépenses nécessaires pour son entretien ». L’article 327a alinéa 3 CO prévoit également que « les accords en vertu desquels le travailleur supporte lui-même tout ou partie de ses frais nécessaires sont nuls ». Par contre, le remboursement sous la forme d’une indemnité fixe est autorisé pour autant qu’elle couvre tous les frais nécessaires (article 327a alinéa 2 CO).
Qu’en est-il des frais en relation avec le « home-office » tels que, par exemple, les frais de téléphone, d’internet ou même le loyer ?
Le Tribunal fédéral a tranché la question s’agissant des dépenses d’agrément ou de nature privée. Pour le Tribunal fédéral, sauf accord contraire entre les parties, l’employeur n’a pas à rembourser ces frais.
Pour certains auteurs suisses – et nous partageons leur avis – l’employé qui souhaite, par convenance personnelle, faire du « home-office », alors qu’il pourrait utiliser un bureau mis à sa disposition par l’employeur sur son lieu de travail, n’a pas droit au remboursement des frais en relation avec la chambre ou la pièce qu’il utile à son domicile.
A contrario, si un employeur décide de supprimer toutes les places de travail et d’instaurer le « home-office » pour tous ses employés ou une partie de ceux-ci, les employés concernés devraient être en droit d’obtenir le remboursement des frais, ou une participation à ceux-ci, en relation avec la chambre ou la pièce utilisée à leur domicile.
Si le non-remboursement des frais en relation avec la chambre ou la pièce utilisée par convenance semble évident, la question est moins évidente s’agissant des frais de téléphone ou des frais d’internet.
Nous conseillons à l’employeur de régler de manière claire et à l’avance cette question. Il peut par exemple mettre à disposition de l’employé un téléphone et/ou un ordinateur portable de l’entreprise que celui-ci peut utiliser lorsqu’il fait du « home-office ». Il peut également indiqué que l’employé ne sera pas indemnisé pour l’utilisation de son téléphone et de son ordinateur privés lorsqu’il fait du « home-office » par pure convenance personnelle alors qu’il pourrait utilisé un bureau mis à sa disposition par l’employeur.
S’agissant enfin de la question de la confidentialité des informations, nous conseillons à l’employeur d’attirer l’attention des employés pratiquant le « home-office » sur le risque accru d’une violation et sur la nécessité d’être encore plus vigilent. L’employeur peut également exiger que l’activité pratiquée en « home-office » le soit dans une pièce fermée et surtout que l’employé n’exerce pas cette activité dans un lieu public, par exemple un café.
Pour conclure, si la pratique du « home-office » est souhaitée par les employés et est compatible avec l’activité de ceux-ci et de l’entreprise, nous conseillons aux employeurs de ne pas la refuser, voire même de la promouvoir. Par contre, nous conseillons aux employeurs de faire preuve de prudence et de régler la pratique du « home-office » de manière claire s’agissant notamment de la durée ou périodicité, des frais et de la confidentialité par exemple dans une directive ou dans un règlement.
Si l’employeur décide de régler la pratique du « home-office » dans une directive ou un règlement, nous conseillons de réserver le droit de l’employeur de supprimer à tout moment la possibilité de faire du « home-office » si la bonne marche de l’entreprise le nécessite.
Annexe : Le télétravail, source de satisfaction – lematin.ch
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