Dans son arrêt du 9 mai 2012, le Tribunal fédéral suisse a jugé que le droit du travail oblige chaque entreprise sise en Suisse à mettre en place en son sein un dispositif approprié de gestion des conflits. Cet arrêt a fait jurisprudence et pose désormais une importante obligation aux entreprises helvétiques quelle que soit leur taille et leur domaine d’activité.
Le Tribunal fédéral suisse a déduit cette obligation de la teneur de l’article 6 de la loi suisse sur le Travail (LTr) qui oblige l’employeur à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger l’intégrité personnelle de ses employés. Selon la Haute Cour, au nombre de ces mesures figurent toutes celles visant à instaurer un « bon climat de travail », une « bonne formation », de même que la « possibilité pour les personnes concernées de trouver un soutien auprès d’une personne de confiance ».
Le Tribunal fédéral a souligné que si l’article 6 LTr ne prévoit pas la liste des mesures concrètes à prendre par les entreprises pour atteindre un tel but, ces mesures peuvent être précisées par voie d’ordonnance, telle celle relative à la loi sur le travail (OLT). À cet égard, les juges du Tribunal fédéral ont souligné que la formulation de l’article 2 al. 1 OLT qui impose à l’employeur de prendre « toutes mesures nécessaires afin de notamment garantir la santé physique et psychique des travailleurs » permet de faire référence à « l’état de la technique et à l’expérience qui évoluent en permanence ». Partant, selon la Haute Cour, « pour déterminer de façon concrète quelles mesures doit prendre l’employeur […], il faut examiner non seulement les ordonnances, mais aussi les différentes recommandations et normes techniques correspondant aux standards de protection à prendre en considération au moment déterminant ». Le Tribunal fédéral a alors relevé que le Secrétariat à l’Economie (SECO) est l’autorité fédérale habilité à édicter de telles recommandations et que celle-ci énumère certaines mesures importantes que l’employeur doit prendre. Parmi celles-ci figurent la désignation d’une personne interne ou externe à l’entreprise à laquelle les employés concernés peuvent s’adresser en cas de conflits. Cette personne doit bénéficier à la foi de la confiance des employés et de la formation nécessaire.
Même si cette obligation doit être imposée avec proportionnalité, le Tribunal fédéral a jugé qu’une telle mesure devait également s’appliquer à une entreprise comptant dix employés. Dans ce cas, la Haute Cour a jugé qu’une petite entreprise peut en effet s’adresser à une association professionnelle pour mettre en place un système commun. Les juges ont relevé qu’il ne s’agit pas de mettre en place une structure compliquée et coûteuse mais de désigner une ou plusieurs personnes de confiance, hors hiérarchie, dans ou à l’extérieur de l’entreprise et à qui le personnel puisse s’adresser en toute connaissance de cause. Relevons enfin que dans le cas qu’avait à juger le Tribunal fédéral, celui-ci a jugé que le fait que l’entreprise ait désigné son directeur général comme personne de confiance n’était pas conforme à cette obligation car le recours à une personne hors hiérarchie n’était pas prévu dans le système interne de gestion des conflits mis en place en l’espèce.
Notre avis :
Le Tribunal fédéral étend dangereusement la notion du principe de la légalité en permettant à l’administration fédérale de légiférer en matière de droit du travail à la place du législatif. Chaque employeur est désormais lié à cette jurisprudence et devra mettre sur place un système interne de gestion des conflits, soit indépendamment, soit sous l’égide des associations professionnelles de sa branche.
Auteur : Me Christophe Wilhelm
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