Droit du bail

REFORME DU DROIT DU BAIL – UN « LEGER » DURCISSEMENT ADOPTE PAR L’ASSEMBLEE FEDERAL

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Dans un précédent article du mois de mars de cette année, la soussignée avait expliqué les deux projets visant, selon certains, à « durcir le droit du bail ». Ces deux projets devaient encore être acceptés par le Conseil national. C’est aujourd’hui chose faite et, le 29 septembre 2023, l’Assemblée fédérale a adopté une modification de l’article 262 du Code des Obligations (CO) concernant la sous-location et une modification de l’article 261 du Code des Obligations (CO) concernant la résiliation par le bailleur pour besoin propre.


Ces deux modifications peuvent encore faire l’objet d’un référendum et le délai référendaire est au 18 janvier 2024. L’Asloca a d’ores et déjà annoncé qu’elle entendait déposer un double référendum. Il n’est donc pas encore certain que ces deux modifications entrent en vigueur.


Mais sur quoi portent-elles ?


Première modification


La première modification porte sur la sous-location. Son but est d’empêcher les sous-locations abusives. Le projet prévoit que l’accord du bailleur devra dorénavant être donné par écrit. Il prévoit également que le bailleur pourra refuser une sous-location si elle dure plus de deux ans.


Le nouveau texte de l’article 262 CO est le suivant (les modifications par rapport au texte initial sont en italique) :


« Le locataire peut sous-louer tout ou partie de la chose avec le consentement écrit du bailleur.


À moins que les parties en aient convenu autrement par écrit, le locataire soumet au bailleur une demande écrite de sous-location qui contient :


a. le nom du sous-locataire;

b. les conditions du contrat, notamment la désignation de l’objet sous-loué, son usage, le loyer et la durée de la sous-location.


Pendant la durée de la sous-location, il informe le bailleur de tout changement concernant les indications exigées à l’al. 2.


Le bailleur peut notamment refuser son consentement dans les cas suivants :


a. si le locataire refuse de communiquer les indications exigées aux al. 2 et 3 ;

b. si les conditions de la sous-location, comparées à celles du contrat de bail principal, sont abusives;

c. si la sous-location présente des inconvénients majeurs pour le bailleur ;

d. si la durée prévue de la sous-location dépasse deux ans.


Le locataire est garant envers le bailleur que le sous-locataire n’emploiera la chose qu’à l’usage autorisé par le bail principal. Le bailleur peut s’adresser directement au sous-locataire à l’effet de l’y obliger.


Lorsque le locataire sous-loue la chose sans le consentement écrit du bailleur, qu’il donne de fausses indications ou qu’il omet d’informer le bailleur de tout changement conformément à l’al. 3, le bailleur peut, après une protestation écrite restée sans effet, résilier le bail moyennant un délai de congé minimum de 30 jours. ».


Comme cela a déjà été expliqué dans l’article de la soussignée du mois de mars 2023, le consentement du bailleur à la sous-location est déjà nécessaire sous l’ancien texte de l’article 262 CO et, en pratique, le consentement est la plupart du temps déjà donné par écrit. Il est d’ailleurs conseillé à un locataire prudent de demander le consentement par écrit.


La modification ne change donc pas grand-chose sur ce point et semble formaliser la pratique actuelle.


S’agissant de la durée de la sous-location, il est déjà admis que la sous-location doit rester provisoire. En d’autres termes, elle doit être limitée dans le temps.


En effet, actuellement et donc sous l’ancien texte, la sous-location est admise notamment si le locataire principal quitte pendant quelques mois son logement (par exemple pour un déplacement à l’étranger) et souhaite sous-louer son logement pendant cette période. Le locataire principal entend donc bien récupérer son logement à son retour et la sous-location ne doit pas être définitive.


Dans la pratique, il n’est pas rare que les bailleurs ou les gérances acceptent des sous-locations limitées à une durée de six mois. Au-delà de cette période (qui peut se discuter) mais surtout au-delà d’une période de deux ans, la sous-location n’est plus provisoire et la volonté du locataire de récupérer son logement est douteuse (sauf bien évidemment cas particulier).


La modification ne change donc pas grand-chose sur ce point également et concrétise ce qui est déjà fait en pratique.


Deuxième modification


La seconde modification porte sur la résiliation du bail par le bailleur pour besoin propre.


Actuellement, le besoin urgent du bailleur est mentionné dans plusieurs articles, soit les articles 261, 271a et 272 CO.


L’article 261 CO porte sur l’aliénation de l’objet loué et prévoit que le nouveau propriétaire peut notamment, « pour les habitations ou les locaux commerciaux, résilier le bail en observant le délai de congé légal pour le prochain terme légal s’il fait valoir un besoin urgent pour lui-même ou ses proches parents ou alliés ».


Dans le nouveau texte de l’article 261, al. 2, let. a CO, le besoin urgent pour lui-même ou ses proches parents ou alliés est remplacé par « sur la base d’une évaluation objective, un besoin important et actuel pour lui-même ou ses proches parents ou alliés ».


L’article 271a CO porte sur l’annulabilité du congé donné par le bailleur et prévoit notamment que le congé est annulable lorsqu’il est donné par le bailleur, notamment, pendant une procédure de conciliation ou une procédure judiciaire en rapport avec le bail, à moins que le locataire ne procède au mépris des règles de la bonne foi. Il est également annulable s’il est donné dans les trois ans à compter de la fin d’une procédure de conciliation ou d’une procédure judiciaire au sujet du bail.


Le congé n’est cependant pas annulable si le congé est donné par le bailleur en raison du besoin urgent que lui ou ses proches parents ou alliés peuvent avoir d’utiliser eux-mêmes les locaux.


Dans le nouveau texte de l’article 271a CO, le besoin urgent est remplacé par « en raison du besoin important et actuel, établi sur la base d’une évaluation objective, que le bailleur ou ses proches parents ou alliés peuvent avoir d’utiliser eux-mêmes les locaux ».


S’agissant de l’article 272 CO qui porte sur la prolongation du bail, il prévoit que le locataire peut demander la prolongation d’un bail de durée déterminée ou indéterminée lorsque la fin du contrat aurait pour lui ou sa famille des conséquences pénibles sans que les intérêts du bailleur le justifient.


Dans la pesée des intérêts, l’autorité compétente prend notamment en compte le besoin que le bailleur ou ses proches parents ou alliés peuvent avoir d’utiliser eux-mêmes les locaux ainsi que l’urgence de ce besoin.


Dans le nouveau texte de l’article 272 CO, le besoin urgent est remplacé par « le besoin que le bailleur ou ses proches parents ou alliés peuvent avoir d’utiliser eux-mêmes les locaux ainsi que sur l’importance et l’actualité de ce besoin à évaluer de manière objective ».


Les modifications portent donc uniquement sur ce qui suit : la notion de « besoin urgent du bailleur » est remplacée par la notion de « besoin important et actuel, établi sur la base d’une évaluation objective ».


Selon la jurisprudence actuelle du Tribunal fédéral, le besoin du bailleur doit être sérieux, concret et hypothétique et le bailleur n’a pas besoin de se trouver dans une situation de contrainte ou de nécessité.


Ainsi, comme pour la question de la sous-location, les modifications proposées semblent finalement uniquement concrétiser ce qui est déjà fait en pratique et ce qui est déjà admis par les tribunaux.


Contrairement à ce que certains souhaitaient du côté des propriétaires, les modifications adoptées ne touchent pas à la procédure de contestation et de demande de prolongation en cas de résiliation du bail par le bailleur et ne changent donc rien à la durée de celles-ci.’


Ainsi, comme cela est relevé à juste titre par Me Guillaume Barazzone dans le Journal de l’Immobilier du 4 octobre 2023 (https://jim.media/articles-jim/articles-de-une/ce-qui-pourrait-changer), « les représentants de l’Asloca ont donc tort de crier au loup. Les propriétaires ont quant à eux tort de (trop) se réjouir ».

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