La prescription joue un rôle important dans notre système juridique. Il s’agit d’un délai prévu par la loi, passé lequel la justice ne peut plus être saisie. En pratique, cela signifie que le débiteur d’une somme d’argent peut, par suite de l’écoulement du temps, soulever l’exception de prescription pour refuser de payer sa dette.
Le 15 juin 2018, le Parlement suisse a adopté une révision importante du droit de la prescription. Des nouvelles dispositions de droit privé en matière de prescription entreront ainsi en vigueur dès le 1er janvier 2020. Cette révision porte principalement sur deux points.
Premièrement, le délai relatif de prescription pour les prétentions fondées sur un acte illicite ou sur un enrichissement illégitime passera d’un an à trois ans. En d’autres termes, les personnes ayant subi un dommage auront désormais trois ans à partir du moment où elles se rendent compte d’un dommage et de la personne tenue à réparation, pour faire valoir leurs prétentions.
Deuxièmement, le délai absolu de prescription de l’action en dommages et intérêts ou en paiement d’une somme d’argent à titre de réparation morale en cas de mort d’homme ou de lésions corporelles, passera de dix à vingt ans à compter du jour où le fait dommageable s’est produit ou a cessé d’exister. Par ailleurs, grâce à cette révision les victimes d’un dommage déjà découvert mais pas encore prescrit au 1er janvier 2020 pourront bénéficier du nouveau délai de vingt ans.
Le législateur a choisi de prolonger ce délai pour mieux prendre en compte les victimes de dommages corporels différés, soit des dommages qui apparaissent longtemps après que le fait dommageable se soit produit. En effet, avec un délai absolu de dix ans, la prescription pouvait intervenir avant même que la personne lésée ait pris conscience du dommage subi, voire avant que le dommage ne se soit manifesté. Tel est notamment le cas des victimes de contamination à l’amiante où les pathologies ne se manifestaient souvent que des années plus tard. A ce titre, l’exemple le plus connu est l’affaire Howald Moor et autres c. Suisse jugée par la Cour européenne des droits de l’homme le 11 mars 2014 (requêtes n°52067/19 et 41072/11).
Pour mémoire, la Cour européenne des droits de l’homme avait donné raison à une victime de l’amiante empêchée de faire valoir ses droits à un dédommagement devant un tribunal en raison de la prescription de son action. Dans cette affaire, la Cour avait jugé que le délai de prescription de dix ans prévu par le droit suisse était trop court violant ainsi le droit d’accès à un tribunal ; aspect important du droit à un procès équitable, garanti par l’article 6§1 CEDH.
En revanche, en cas de dommages matériels, la prescription générale de dix ans des prétentions contractuelles en réparation reste de son côté inchangée (art. 127 CO). Le constat est par ailleurs le même pour les actions spécifiques de l’article 128 CO prévoyant un délai de prescription de cinq ans.
En marge de ces deux points principaux, d’autres modifications sont également prévues par cette révision. Nous pensons notamment à l’adaptation des motifs de suspension de la prescription contenus à l’article 134 CO. Par cette disposition, le législateur prévoit un catalogue de situations dans lesquelles la prescription ne court pas ou est suspendue. Ainsi, dès le 1er janvier 2020, l’article 134 CO sera adapté pour prendre en compte une suspension de la prescription en cas de résolution extrajudiciaires des litiges.
Au vu de ce qui précède, il sied d’être rendu attentif aux différents délais de prescription ainsi qu’aux nouvelles législations et jurisprudences rendues en la matière afin d’éviter d’être forclos devant un tribunal.
WILHELM Avocats – Me Soraya Mokhtari, avocate-stagiaire – 6 octobre 2019
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