Litiges en droit commercial

Le Tribunal fédéral apporte une précision importante concernant la procédure de mainlevée provisoire

Dans un nouvel arrêt 5A_648/2018 du 25 février 2019, qui sera prochainement publié, le Tribunal fédéral a enfin précisé une question jusque là laissée ouverte, relative au fardeau de la preuve lorsque la cause revêt un caractère international et qu’un droit étranger s’applique.


En l’espèce, le créancier, une banque française, a agi contre un couple domicilié en Suisse en introduisant une requête de mainlevée provisoire de l’opposition, fondée sur l’art. 82 al. 1 LP. La créance découlait d’un contrat de prêt hypothécaire conclu entre les parties, soumis au droit français.


Les débiteurs ont alors invoqué un vice du consentement pour cause d’erreur, en demandant à ce que la poursuite soit limitée aux biens propres de l’époux. Les débiteurs ont considéré que l’autorité cantonale a violé les articles 82 al. 2 LP, 8 CC et 55 CPC en exigeant de leur part la preuve stricte du droit français quant à l’exception du vice du consentement pour cause d’erreur.


Aux termes de l’art. 82 LP, le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire (al. 1). Le juge la prononce si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblable sa libération (al. 2).


Le Tribunal a donc dû trancher la question de savoir qui du poursuivi ou du poursuivant a la charge de démontrer le droit étranger applicable aux moyens libératoires.


Aux termes de l’art. 16 LDIP, le contenu du droit étranger est établi d’office. A cet effet, la collaboration des parties peut être requise. En matière patrimoniale, la preuve peut être mise à la charge des parties (al. 1). Le droit suisse s’applique si le contenu du droit étranger ne peut pas être établi (al. 2). Même si, dans sa version française, l’art. 16 al. 1 LDIP parle de  » preuve « , le droit étranger qui doit être appliqué en Suisse ne relève pas du fait; il faut donc comprendre le terme de preuve comme une constatation ( » Nachweis « ) du droit étranger (ATF 138 III 232 consid. 4.2.4; arrêt 4A_65/2017 du 19 septembre 2017 consid. 2.2.1, résumé in SRIEL 2018 p. 411).


En procédure de mainlevée, dans laquelle il est statué en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC), l’art. 16 al. 1 1ère phr. LDIP ne s’applique pas, en raison de la célérité qui est exigée en la matière. Dès lors, le juge de la mainlevée n’a pas à constater d’office le contenu du droit étranger (ATF 140 III 456 consid. 2.3 et 2.4) (c. 6.1.2 de l’arrêt en cause).


Dans un arrêt précédent, le Tribunal fédéral avait jugé qu’il appartenait en revanche au poursuivant d’établir ce droit, dans la mesure où l’on pouvait raisonnablement l’exiger de lui (art. 16 al. 1 3ème phr. LDIP), même sans y avoir été invité par le juge. Il a ajouté que, s’il n’y procédait pas, il n’y avait pas lieu d’appliquer le droit suisse, mais de rejeter la requête de mainlevée. Il ne s’était en revanche pas exprimé sur la constatation du droit étranger s’agissant des moyens libératoires du poursuivi (ATF 140 III 456 consid. 2.3 et 2.4).


Jusqu’à présent, les auteurs étaient également divisés : certains auteurs considéraient que le devoir de constatation du droit étranger reste à la charge du poursuivant, alors que d’autres considèrent que ce devoir incombe au débiteur.


Dans son arrêt, le Tribunal fédéral a considéré qu’il faut désormais suivre les auteurs qui soutiennent que la charge de démontrer le droit étranger sur les moyens libératoires incombe au poursuivi. On ne peut en effet pas attendre du poursuivant qu’il anticipe les éventuels moyens libératoires que peut invoquer le poursuivi. Cela vaut d’autant plus que, en procédure sommaire, il n’y a en principe qu’un seul échange d’écritures, même s’il n’est pas exclu, avec la retenue nécessaire, qu’un second échange d’écritures soit ordonné, lorsque les circonstances l’exigent (ATF 138 III 252 consid. 2.1). Si le poursuivi échoue à rendre vraisemblable le contenu du droit étranger sur lequel se fonde son moyen libératoire, la mainlevée doit être accordée.


Le Tribunal fédéral a ensuite également précisé le degré de preuve du droit étranger qui doit être atteint. A cet égard, il a été retenu que le débiteur doit uniquement rendre vraisemblable le contenu du droit étranger. « En conséquence, lorsque le juge de la mainlevée applique le droit étranger aux moyens libératoires (art. 82 al. 2 LP), il doit procéder à un examen sommaire du bien-fondé juridique de ceux- ci. Il refusera la mainlevée si, à la suite de cet examen sommaire, il arrive à la conclusion que le moyen libératoire n’est pas dépourvu de chance de succès, étant rappelé que sa décision n’est pas revêtue de l’autorité de la chose jugée. »


En conclusion, il sied de retenir que dans le cadre d’une procédure sommaire de mainlevée provisoire d’opposition, il incombe au débiteur qui souhaite contester une créance par un moyen libératoire fondé sur un droit étranger de rendre vraisemblable ce droit.


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