Dans le cadre de la révision du droit de la société anonyme résultant de l’initiative Minder votée en 2013, le Conseil fédéral souhaite profiter de cette reforme aux fins d’ajouter une disposition établissant un quota de genre au sein des organes dirigeants des sociétés suisses cotées en bourse.
Cette volonté d’égalité des sexes parmi les postes cadres n’est cependant nouvelle. En effet, depuis sa révision de 2014, « le code suisse de bonnes pratiques pour le gouvernement d’entreprise » développé par Economiesuisse contient dans sa note douzième une allusion à la composition du conseil d’administration ainsi que la représentation des deux sexes. Si le projet de révision du Code des obligations (ci-après « CO ») venait à être accepté, ce principe s’ancrerait désormais également dans une loi formelle.
C’est au travers de l’art. 734f du projet de révision du CO (ci-après « P-CO ») que le Conseil fédéral projette d’introduire cette évolution. Cet article prévoit des quotas de 30% et 20%, respectivement au sein du conseil d’administration et de la direction des entreprises répondant aux conditions de l’art 727 al. 1 ch. 2 CO. Pour rappel, tombent dans le champ d’application de cette disposition les sociétés atteignant deux des trois valeurs suivantes : (i) total du bilan: 20 millions de francs ; (ii) chiffre d’affaires: 40 millions de francs ; (iii) effectif: 250 emplois à temps plein.
L’institution de l’art. 734f dans le CO correspond, selon nous, à une juste mesure dans l’application de l’art. 8 al. 3 Cst qui prévoit que le législateur est tenu d’assurer une égalité de droit et de fait entre les sexes, notamment dans le domaine du travail. Il ne faut donc pas voir dans cette réforme une quelconque discrimination envers le sexe masculin par le biais de ces quotas, mais bel et bien une avancée vers l’égalité des sexes dans le milieu professionnel.
Il serait exagéré d’imaginer que ce projet représente une innovation suisse. Cette thématique est également d’actualité au sein de l’Union européenne, et certains de nos voisins possèdent même un temps d’avance. En 2012, la Commission européenne a approuvé un projet de directive visant à porter à 40% la part du sexe sous-représenté au sein des organes dirigeants des sociétés cotées en bourse. Parmi les pays précurseurs, nous retrouvons la Norvège ainsi que l’Allemagne qui ont introduit des quotas similaires respectivement en 2003 et 2016 concernant la représentation du sexe féminin au sein des conseils de surveillance. La position du Conseil fédéral s’inscrit donc dans une suite logique de la tendance européenne.
Du côté des opposants, l’on dénonce la mise en danger du caractère libéral du CO. Selon eux, l’introduction de quotas, assortis de sanctions, restreint la liberté d’action des sociétés auxquelles ils s’imposent. Selon le Conseil fédéral, l’autorégulation n’a jusqu’ici pas permis d’aboutir à une représentation équilibrée des sexes et justifie donc l’instauration d’un cadre juridique. Le principe «appliquer ou expliquer» prévu à l’art. 734f P-CO est proportionné et qu’il ne porte que faiblement atteinte aux libertés organisationnelles et économique garanties par notre Constitution. Toujours selon notre exécutif, cette réforme permet également d’atténuer les problèmes liés au vieillissement de la population et à la pénurie de compétence qui vont en s’augmentant.
En conclusion, nous sommes d’avis qu’il s’agit d’une prise de position courageuse du Conseil fédéral, qui tranche avec son penchant habituel en faveur de l’autorégulation. La portée de cette révision reste cependant limitée tant les sanctions prévues sont quasi-inexistantes. De plus, l’objectif d’atteindre ces quotas dans les 5 années suivant son éventuelle entrée en vigueur semble utopique tant nous en sommes éloignés actuellement.
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