Le 3 mars 2013, le peuple suisse se prononçait en faveur de l’initiative dite « Minder », contre les rémunérations abusives dans les sociétés cotées en bourse. Suite à cette votation, le Conseil fédéral avait édité une ordonnance du même nom (ci-après « ORAb ») qui entra en vigueur le 1er janvier 2014.
A l’heure de la révision du droit de la société anonyme, il est maintenant temps pour le législateur de transposer l’essence de cette initiative populaire au sein d’une loi formelle. Comme relevé par de nombreux observateurs au moment de l’élaboration de l’ordonnance, le Conseil fédéral n’était pas resté fidèle au texte de l’initiative et s’était autorisé à aller au-delà. Au jour de la transposition dans le Code des obligations, nous constatons hélas la même problématique, dangereuse pour la sécurité du droit et contraignante pour les sociétés concernées.
Lors du processus de consultation de l’avant-projet, de nombreuses voix issues des associations professionnelles et économiques se sont élevées contre certaines dispositions proposées par le Conseil fédéral. Elles sont d’avis qu’une législation trop contraignante est défavorable à la place financière suisse et recommandent d’élaborer un projet qui n’irait pas plus loin que les dispositions actuelles de l’ORAb. De plus, elles invitent à ce que la réglementation applicable aux sociétés cotées ne soit pas étendue à celles non cotées.
Pour rappel, l’initiative populaire portait sur trois axes majeurs : (I) responsabiliser l’assemblée générale quant à la fixation de la rémunération des organes dirigeants ; (II) interdire différentes indemnités et autres primes ; (III) imposer l’établissement par les statuts des montants des rentes, des plans de bonus et de participation, ou encore des prêts octroyés aux membre des organes (liste non exhaustive). Lors de l’élaboration de l’ORAb, le Conseil fédéral s’était autorisé des largesses dans la transposition du texte de l’initiative en accentuant ou omettant parfois certains points (voir pour cela notre article du 7 janvier 2014).
Bien que le Conseil fédéral ait renoncé à certains ajouts et durcissements initialement prévus dans l’avant-projet, le projet transmis au Parlement le 23 novembre dernier reprend l’essentiel du contenu de l’ordonnance. Il s’est également permis d’y ajouter de nouvelles dispositions concernant notamment les mandats externes de la direction qui n’étaient pourtant pas l’objet de l’ORAb. Les craintes évoquées dans notre article de 2014 sont donc confirmées.
Nous regrettons que notre exécutif n’ait pas profité de cette opportunité pour revenir aux termes de l’initiative. En s’écartant de son texte initial, le Conseil fédéral crée des mécontentements dans les deux camps. Chez les initiants tout d’abord avec l’assouplissement des conditions d’octroi des primes d’embauche ainsi que des indemnités pour prohibition de concurrence, mais également chez les opposants avec notamment en ce qui concerne les dispositions prises au sujet du rapport de rémunération et sa soumission au contrôle de l’organe de révision.
Certains participants à la procédure de consultation sont d’avis que la transposition de l’ORAb dans une loi formelle ne constitue pas une urgence en soi et, à la vue du présent projet, qu’il conviendrait de reporter ces modifications. Ils insistent sur le fait qu’avec la conjoncture actuelle, il serait plus avisé d’observer l’application de l’ORAb sur un terme plus long, pour ensuite pouvoir la transposer de la façon la plus adaptée possible. Par un souci de sécurité juridique, ils souhaiteraient également voir les éléments dépassant le cadre de l’ordonnance être écartés. Cela notamment afin d’éviter de nouveaux coûts aux sociétés. Suite aux éléments exposés dans ce présent article, nous ne pouvons que soutenir cette prise de proposition.
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