Litiges en droit de la construction

L’avis des défauts doit remplir des exigences strictes pour sauvegarder valablement les droits du maître d’ouvrage

En matière de contrat d’entreprise, notamment lors de la réalisation de constructions, si des défauts de l’ouvrage se manifestent plus tard, le maître de l’ouvrage est tenu de les signaler à l’entrepreneur aussitôt qu’il en a eu connaissance ; sinon, l’ouvrage est tenu pour accepté avec ces défauts.


Il est donc important de connaître les conditions posées pour qu’un avis des défauts soit considéré comment ayant été valablement notifié à l’entrepreneur.


Selon la jurisprudence, le maître de l’ouvrage a connaissance des défauts dès qu’il en constate l’existence avec certitude, qu’il peut en mesurer l’importance et l’étendue.


Le délai pour faire l’avis des défauts commence à courir au moment où le maître de l’ouvrage se rend compte qu’il s’agit bien d’un défaut et non pas d’une manifestation usuelle.


Il n’existe pas un délai fixe pour notifier cet avis, mais un avis donné vingt jours après avoir constaté les défauts a par exemple été considéré comme tardif. Le maître de l’ouvrage doit toutefois disposer d’un bref délai pour obtenir d’éventuelles explications de tiers. Il incombe également au maître de l’ouvrage de prouver qu’il a effectué l’avis à temps et c’est à l’entrepreneur qui conteste le moment de la découverte d’en apporter la preuve.


L’avis des défauts doit être court, mais motivé. Le maître doit indiquer quels sont les défauts qu’il a découverts, de manière suffisamment précise, mais aussi exprimer sa volonté de ne pas reconnaître l’ouvrage comme étant conforme au contrat d’entreprise. Il doit en plus mettre en cause de manière claire la responsabilité de l’entrepreneur. L’entrepreneur, lorsqu’il reçoit cet avis, doit pouvoir comprendre la nature du défaut, son emplacement et son étendue.


La question se pose souvent pour le maître de l’ouvrage s’il doit avoir recours à une expertise pour prouver le défaut ; selon le Tribunal fédéral, il n’est pas obligé de le faire et il peut donner un avis des défauts sur la base d’une simple présomption (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_293/2017 du 13 février 2018, c. 2.2.3).


En pratique, il donc possible de faire un avis des défauts dit « préventif », par lequel le maître de l’ouvrage prévient l’entrepreneur qu’il le tiendra responsable si une expertise conclut à l’existence d’un défaut qui lui est imputable. Dans ce cas, le Tribunal fédéral considère que l’avis des défauts préventif doit remplir les mêmes exigences de forme précitées, mais qu’il doit également être complété par la transmission du rapport d’expertise à l’entrepreneur.


Dès lors que la loi impose au maître de l’ouvrage d’avertir « aussitôt » l’entrepreneur des défauts, ce dernier peut être emprunté quant à savoir s’il doit attendre l’issue définitive du rapport d’expertise avant de notifier l’avis des défauts. A cet égard, le Tribunal fédéral a récemment considéré que le délai d’avis commence à courir dès que le maître reçoit un rapport provisoire d’expertise, lequel détaille la nature des défauts, si possible leur ampleur et leur emplacement.


Enfin, se pose souvent la question de savoir à qui doit être notifié l’avis des défauts, notamment lorsque des entreprises travaillent en consortium ou lorsqu’il y a plusieurs entrepreneurs d’une société simple. Faut-il écrire à l’entreprise qui a réalisé la partie défectueuse ? Faut-il écrire à toutes les entreprises qui réalisent ensemble l’ouvrage ? La doctrine est divisée à ce sujet ; certains auteurs pensent que l’avis doit être adressé au représentant de la société simple, alors que d’autres considèrent que l’avis doit être transmis au consortium et non pas à l’entrepreneur responsable du défaut. Les propriétaires devraient toutefois pouvoir considérer qu’un avis notifié au partenaire contractuel est suffisant.


Face à ces différentes exigences strictes pour le maître d’ouvrage, il convient d’être non seulement attentif au fait que l’avis des défauts remplit bien les conditions précitées, mais également au fait que l’avis préventif ne sauvegarde efficacement les droits du maître que lorsqu’il est complété ultérieurement.


WILHELM Avocats SA – Me Ema BOLOMEY – 05.03.2019

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