Droit du travail

Arrêt du Tribunal fédéral du 30 août 2023 sur la fermeture des entreprises pour lutter contre le COVID-19 et la demeure de l’employeur : valeur juridique des recommandations, directives et FAQ du SECO.

fermeture des entreprises pour lutter contre le COVID-19 et la demeure de l’employeur : valeur juridique des recommandations SECO

L’arrêt du Tribunal fédéral du 30 août 2023 (4A_53/2023) a déjà fait beaucoup parler de lui et a déjà fait l’objet de nombreux commentaires d’auteurs ou avocats suisses. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral définit en effet pour la première fois la notion de risque économique à la charge de l’employeur. Il considère que les fermetures d’entreprises ordonnées dans le cadre des mesures de lutte contre le COVID-19 ne constituent pas un risque à la charge de l’employeur. Pour lui, l’empêchement d’exploitation qui découle de cette fermeture est une raison objective tenant en échec la demeure de l’employeur au sens de l’art. 324 CO et donc l’employeur n’est pas tenu de verser le salaire.


L’auteure soussignée n’entend pas revenir ici sur la notion de demeure de l’employeur ou sur la notion de risque économique à la charge de l’employeur. Elle entend plutôt mettre l’accent sur un autre élément important qui ressort de cet arrêt et qu’il est bon de rappeler. Il s’agit du SECO et de la valeur juridique des recommandations, directives ou FAQ établis par celui-ci.


Le SECO, soit le Secrétariat d’Etat à l’économie, se définit lui-même, sur son site internet (www.seco.admin.ch) comme « le centre de compétence de la Confédération pour les questions de politique économique. Son but est d’assurer une croissance économique durable, un niveau d’emploi élevé et des conditions de travail équitables. C’est pourquoi le SECO définit et met en œuvre les conditions-cadre de politique économique intérieure et extérieure ».


Le SECO rédige et publie des études, des rapports, des analyses, des formulaires, des notices et FAQ concernant les différents thèmes qu’il traite, qui sont facilement consultables sur le site internet susmentionné.


Pendant la pandémie du COVID-19, le SECO a publié de nombreuses recommandations et FAQ qui étaient remises à jour très fréquemment. Ces recommandations et FAQ portaient notamment sur les obligations des employeurs et des employés ou sur la RHT, soit la réduction de l’horaire de travail ou le chômage partiel.


L’auteure soussignée conseillait d’ailleurs dans un article du 9 mars 2020, soit en pleine pandémie, de consulter le site du SECO et de suivre les recommandations de celui-ci.


L’affaire, qui a fait l’objet de l’arrêt du 30 août 2023, concernait des enseignants d’une école privée ayant dû fermer l’internat suite aux mesures d’urgence liées à la crise du Coronavirus. Ceux-ci se prévalaient notamment des recommandations et de l’avis du SECO selon lesquels les employés devraient avoir droit au paiement de leur salaire en cas de fermeture de l’entreprise par les autorités, car le risque d’exploitation et le risque économique incombent aux employeurs, même si cela peut leur peser fortement (Secrétariat d’Etat à l’économie SECO, FAQ « Pandémie et entreprises », question 19).


Pour le Tribunal fédéral, l’avis du SECO est une « expression d’opinion ». Le Tribunal fédéral rappelle que « le SECO est le centre de compétence de la Confédération pour les questions clés de la politique économique. Son objectif est de veiller à une croissance économique durable, à un niveau d’emploi élevé ainsi qu’à des conditions de travail équitables. Sa Direction du travail veille à ce que les conditions de travail et les règles en matière de politique du marché du travail soient claires. Ces règles portent entre autres sur la protection des travailleurs, de l’assurance chômage, du placement et de la garantie de la libre circulation des personnes » (traduction libre de l’arrêt 4A_53/2023).


Le Tribunal fédéral rappelle cependant que « seule la 1ère Cour de droit civil du Tribunal fédéral est appelée à interpréter le droit privé du travail. Les tribunaux civils cantonaux ne sont pas non plus liés par l’avis du SECO » (traduction libre de l’arrêt 4A_53/2023).


En d’autres termes, les recommandations, directives, FAQ et autres publications du SECO sont uniquement une expression de l’opinion du SECO et ceux-ci ne lient pas les tribunaux en tout cas en matière de droit privé du travail. Sur cette base, la soussignée conseille malgré tout aux employeurs et aux employés de continuer à consulter les publications du SECO tout en gardant à l’esprit que celles-ci sont uniquement des recommandations qui n’ont pas valeur de loi en matière de droit privé du travail et qui ne lient pas les tribunaux en cas de litige.

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