A l’heure numérique, détenir un nom de domaine qui corresponde à son identité corporatiste est essentiel. Nombreuses sont pourtant les circonstances qui peuvent aboutir à de mauvaises surprises. En voici un florilège : « J’avais oublié de renouveler mon nom de domaine et un tiers l’a enregistré », « mon ancien employé dont je me suis séparé détenait mon nom de domaine et ne veut pas le restituer », « je n’avais pas fait attention, mais le nom est déjà détenu par un tiers ». Se pose alors une seule question : comment le récupérer ?
Logiquement, la première étape consiste à contacter son détenteur pour s’efforcer de régler le cas à l’amiable. Si ce détenteur est connu, la démarche est alors possible, ce qui ne garantit évidemment pas son succès. S’il ne l’est pas, les choses se compliquent, puisque les registres ne révèlent plus l’identité des détenteurs de noms de domaine dans leurs banques de données WHOIS consultables en ligne pour des raisons liées à la protection des données. De prime abord, on pourrait penser que la volonté d’entrer en pourparlers pour obtenir un nom de domaine est une raison suffisante pour obtenir de telles données. Que nenni…Selon mon expérience, les registres se refusent à divulguer une telle identité et, pire encore, à prendre contact avec leur client pour qu’il consente à cette prise de contact. Seule demeure alors ouverte une action en justice, quand bien même il peut être avéré et admis qu’il n’y a aucune violation quelle qu’elle soit, une situation pour le moins aberrante…
Lorsque l’appropriation du nom de domaine a eu lieu de mauvaise foi, vous n’aurez alors fort heureusement pas besoin d’agir en justice devant des tribunaux civils. Des procédures en ligne existent pour ces affaires relevant du cybersquatting, gérées pour la plupart par l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI). Une telle mauvaise foi existe par exemple lorsqu’un ancien employé ou agence de développement se refuse à vous restituer le nom de domaine, ou qu’un tiers l’a enregistré pour vous entraver dans vos activités.
La première question consiste à se demander sous quelle extension est enregistré le nom de domaine que vous souhaitez récupérer :
S’il s’agit d’un « .com », c’est alors sous l’angle de la « Uniform Domain Name Dispute Resolution Policy », plus connue des juristes sous son abréviation « UDRP » que vous devrez agir. Pour ce faire, il vous faudra toutefois être le détenteur d’une marque valablement enregistrée ; autrement dit, une simple raison de commerce ne suffit pas. La marque dont vous vous prévalez n’a cependant pas besoin d’être une marque suisse. Pour pouvoir récupérer le nom de domaine qui vous intéresse, encore faudra-t-il vous assurer que le titulaire du nom de domaine en question n’a aucun intérêt légitime à détenir ce nom, un tel intérêt excluant évidemment toute mauvaise foi. A titre d’exemple, tel peut être le cas d’un distributeur ou revendeur, qui rend la preuve d’un acte de cybersquatting difficile à démontrer.
Si le nom de domaine que vous souhaitez récupérer est un « .ch », c’est alors sous l’angle de la procédure en résolution des litiges relatifs au « .ch » qu’il vous faudra agir. Egalement gérée par l’OMPI, elle se passe tout comme la première entièrement en ligne. Cette procédure en « .ch » présente deux différences importantes avec la UDRP : tout d’abord, elle exige que les parties participent à une séance de conciliation qui prend la forme d’une conférence téléphonique d’une heure maximum. Ensuite,elle ne repose pas sur des critères autonomes comme le fait la UDRP, mais exige l’application du droit matériel suisse. Si cette application du droit matériel suisse rend les exigences de motivation un peu plus complexes, elle permet en revanche de se prévaloir non seulement d’une marque, mais également d’une raison de commerce, d’un nom ou encore d’une violation de la loi fédérale contre la concurrence déloyale. L’arsenal juridique qui peut être invoqué est donc large.
L’intérêt principal de ces procédures alternatives, qui existent pour de très nombreuses extensions géographiques (voir ici pour une liste), est double : les coûts tout d’abord, puisqu’une procédure UDRP coûte USD 1’500, celle en « .ch » CHF 2’300 ; la durée ensuite, puisqu’elles vous permettent de récupérer un nom de domaine dans les deux mois après que votre demande a été déposée.
Comparé à une procédure étatique devant un tribunal civil, les avantages sont patents. A supposer cependant que vous ne remplissiez pas les conditions d’application de ces procédures, vous n’aurez alors pas d’autre choix que d’agir en justice devant un tribunal civil.
Inutile de dire que cette voie est la moins souhaitable, ce pour plusieurs raisons :
En premier lieu, il vous en coûtera au bas mot CHF 10’000 après avoir versé l’avance de frais et payé les honoraires de votre avocat.
Ensuite, une telle procédure peut durer de 2-3 ans avant que vous ne recouvriez votre nom de domaine, un laps de temps considérable et insupportable pour qui veut apparaître en ligne. Certes, il est en certaines hypothèses possibles d’obtenir le transfert du nom de domaine par la voie de mesures provisoires, mais même en cette hypothèse, il vous faudra à tout le moins patienter 6 mois avant d’obtenir un tel transfert.
Enfin, si le transfert d’un nom de domaine en « .ch » se fera sans peine, le transfert d’un nom de domaine sous une autre extension sera plus compliqué, puisqu’il peut exiger que la décision rendue en votre faveur soit exécutée à l’étranger, avec des coûts, des lenteurs pour ne pas dire des incertitudes quant à son exécution finale.
Se lancer dans une procédure étatique pour récupérer un nom de domaine ressemble donc fort au parcours du combattant.
Au final, ces quelques remarques soulignent un point : faites attention à enregistrer votre nom de domaine en votre nom, et à garder le contrôle sur son administration. Toute délégation à ce sujet peut se révéler lourde de conséquences, pourtant aisément évitables.
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