Restructuration d’entreprise

Insolvabilité et assainissement d’entreprise : ce qui va changer au 1er janvier 2023

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Le sujet brûlant de cette année a été la révision du droit de la société anonyme, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2023. Les modifications législatives en question ont fait l’objet de nombreuses publications.


Ces nouvelles dispositions entrainent également des modifications des règles en matière d’insolvabilité de l’entreprise et d’assainissement, sujet qui semble être passé un peu plus inaperçu. 


Cette révision n’apporte pas de modifications fondamentales, mais il est tout de même important de souligner la disparition de la notion « d’ajournement de faillite » du Code des obligations.


Le droit en vigueur prévoit à ce jour deux mécanismes en cas de difficultés financières avérées de la société, à savoir l’ajournement de faillite et le sursis concordataire.


Alors que le premier consiste à suspendre un prononcé de faillite afin de permettre l’assainissement de la société, par différentes mesures, le second a pour but d’éviter une faillite par le biais d’un concordat, à savoir un accord conclu entre la société et ses créanciers au sujet de leur désintéressement. Il s’agit de deux outils bien distincts, qu’il convient de choisir attentivement en fonction de la situation financière de la société, de son type d’activité et de ses perspectives d’assainissement.


Ces deux mécanismes diffèrent également de par les conditions posées par le Code des obligations, respectivement par la Loi sur la poursuite et faillite (LP) pour leur prononcé par le juge : à titre d’exemple, alors que l’ajournement était prononcé d’une durée à la libre appréciation du juge, le sursis concordataire était prononcé pour une durée de quatre mois, pouvant être prolongé. Dans le cas du sursis concordataire, le juge nommait un ou plusieurs commissaires, alors que dans le cadre d’un ajournement, le juge avait la simple possibilité de désigner un curateur, selon les besoins de la société.


A titre préalable, il est important de relever que les obligations du conseil d’administration en matière de surveillance de la solvabilité de l’entreprise seront modifiées, selon la nouvelle teneur de l’art. 725 al. 1 nCO (cf. article de Me Christophe Wilhelm et M. Claude Romy, à lire sur notre site). Dès le 1er janvier prochain, le conseil d’administration devra donc surveiller la solvabilité de l’entreprise, sur la base de trois seuils d’alerte : la menace d’insolvabilité, la perte de capital, puis le surendettement. Il devra prendre ensuite différentes mesures, en fonction du seuil d’alerte atteint.


Il sera désormais possible de requérir un sursis concordataire déjà au stade de cette « menace d’insolvabilité », ce qui change considérablement les perspectives d’assainissement pour une entreprise. L’objectif de cette révision était d’ailleurs de « permettre que des mesures puissent être prises le plus tôt possible » par la société (cf. Message du Conseil fédéral concernant la modification du CO du 23 novembre 2016, FF p. 415).


L’ajournement de faillite pouvait être requis par le Conseil d’administration soit sur la base de l’art. 725a CO, soit sur la base des articles 173 et 173a LP. Concrètement, il était le plus souvent sollicité parallèlement au dépôt de l’avis au juge en cas de surendettement (art. 725 al. 2 CO).


L’ajournement est un mécanisme qui permet premièrement au conseil d’administration de remplir son obligation d’aviser le juge et de « corriger le tir avant qu’une procédure de faillite soit ouverte » (cf. Message, p. 418), mais il permet également de procéder à un assainissement « tacite », sans publication et sans contrainte de délai.


A compter du 1er janvier 2023, l’ajournement de faillite sera supprimé du Code des obligations et sera de fait « intégré » (pour ne pas dire remplacé) dans le sursis concordataire. Le nouveau droit transitoire prévoit d’ailleurs que « les ajournements de faillites ordonnés avant l’entrée en vigueur du nouveau droit restent régis par l’ancien droit jusqu’à leur terme » (art. 5 dispositions transitoires).


Dans le cadre des débats parlementaires, il avait même été question de supprimer l’ajournement de faillite des dispositions de la LP. Toutefois, le projet législatif finalement adopté a opté pour une intégration des avantages de l’ajournement de faillite aux dispositions sur le concordat, par une adaptation ponctuelle de la LP à cet égard.  


L’art. 173a al. 2 de la LP sera ainsi modifié comme suit : « le tribunal peut aussi ajourner d’office le jugement de faillite lorsqu’un assainissement immédiat ou un concordat paraît possible ; il transmet dans ce cas le dossier au juge du concordat ».


A ce jour, l’octroi d’un sursis concordataire dépend de la viabilité du concordat proposé, et de son homologation par l’assemblée des créanciers. A compter du mois prochain, le sursis pourra être demandé dès la « menace d’insolvabilité » du nouvel article 725 nCO, mais également accordé par le Tribunal dès qu’un « assainissement ne paraît pas impossible » (art. 293a al. 3 LP et nLP).


Les dispositions révisées de la LP ne sont donc « plus axées exclusivement sur la conclusion d’un concordat » et « visent également à permettre d’autres mesures, comme un simple sursis, lorsqu’un assainissement immédiat paraît possible » (cf. Message, p. 575).


Concrètement, cela signifie que le sursis provisoire va devenir un outil servant soit d’étape préalable à la conclusion d’un concordat, soit en tant que période « moratoire » avec pour objectif l’ajournement de la faillite et l’assainissement de l’entreprise.


En conclusion, à compter du 1er janvier 2023, une société tenue d’aviser le juge de son surendettement, qui souhaite que la faillite soit ajournée, devra désormais requérir l’octroi d’un sursis concordataire provisoire.

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