Le séquestre au sens de la Loi fédérale sur la poursuite pour dettes et faillite (LP) est régi par les articles 271 et suivants. Dans la boîte à outil du juriste helvétique, il est le couteau suisse. Utile en de nombreuses circonstances et dans une vaste variété de situations.
Fondamentalement, il s’agit d’une mesure conservatoire urgente permettant au créancier de mettre en sûreté des biens du débiteur lorsqu’il est à craindre que ceux-ci ne soient soustraits à une exécution forcée actuelle ou future, empêchant le créancier de faire valoir ses droits à l’exécution forcée de sa créance pécuniaire. Ainsi, agir par la voie du séquestre permet au créancier séquestrant de faire bloquer provisoirement des biens du débiteur, afin d’être certain de leur disponibilité pour une réalisation ultérieure.
Bien que provisoire, cet outil est néanmoins très incisif, c’est pourquoi le législateur a prévu que le séquestre ne peut être autorisé que lorsque les conditions générales concernant l’existence d’une dette et de biens patrimoniaux du débiteur sont remplies et que l’on est en présence d’un cas de séquestre[1]. L’art 271 al. 1 LP en est le cœur de la matière.
Le cas de séquestre international, prévu à l’art. 271 al. 1 ch. 4 LP, vise à conserver les droits du créancier lorsque le débiteur est à l’étranger.
Le débiteur doit être installé à l’étranger, c’est-à-dire qu’il y a son domicile ou sa résidence habituelle au sens de l’art. 20 LDIP. C’est la première des conditions spécifiques à ce cas de séquestre. Elle soutient l’idée que le créancier faisant face à un débiteur à l’étranger rencontre davantage de difficultés à recouvrer sa créance du fait de l’absence de for de poursuite en Suisse.
De plus, le législateur estime que le créancier mérite cette protection uniquement lorsqu’aucun autre cas de séquestre n’est applicable à la situation.
Enfin, – et c’est le centre de notre propos – le législateur pose deux conditions alternatives, à savoir que « la créance ait un lien suffisant avec la Suisse » ou « qu’elle se fonde sur une reconnaissance de dette au sens de l’art. 82 al. 1 » LP.
Lorsque le créancier n’est pas en mesure de se prévaloir d’un jugement ou d’une reconnaissance de dette, il doit démontrer que sa créance a un « lien suffisant » avec la Suisse. Pour que ce lien soit suffisant, il faut que l’intérêt du créancier à poursuivre au lieu du séquestre prime l’intérêt du débiteur à ne pas être désavantagé du seul fait qu’il n’habite pas en Suisse. La nécessité d’assurer une protection plus importante au créancier ne doit pas être dans un rapport disproportionné par rapport au désagrément causé au débiteur du fait de son domicile à l’étranger.
Parmi les points de rattachement aptes à constituer un lien suffisant, nous pouvons mentionner les suivants :
Par exemple, le contrat de vente immobilière entre le créancier et le débiteur est soumis au droit suisse en vertu de l’art. 119 LDIP du fait du lieu de situation de l’immeuble. Le droit suisse étant applicable, l’on ne saurait considérer qu’un lien suffisant entre le créancier et la Suisse fait défaut.
Un autre exemple peut survenir lorsqu’un acte illicite survenu en Suisse ayant causé un dommage au créancier est reproché au débiteur. Ce dernier est titulaire d’un compte dans une banque suisse. Ainsi, en vertu de l’art. 133 al. 2 LDIP, le droit suisse est applicable. Dans un tel cas, le créancier pourra se prévaloir du séquestre international pour mettre la main sur le compte du débiteur pour recouvrir sa créance en réparation.
Notons cependant que la nationalité des parties – créancier comme débiteur – ne sauraient jouer un quelconque rôle dans cette analyse, au risque de constituer une discrimination inadmissible entre ressortissants helvétiques et étrangers.
Le séquestre international constitue un instrument juridique essentiel de la protection des intérêts des créanciers confrontés à l’internationalisation des rapports économiques. En permettant le blocage conservatoire des biens situés en Suisse d’un débiteur domicilié à l’étranger, il reflète un équilibre ténu entre la garantie des droits du créancier et le respect des droits du débiteur.
La jurisprudence du Tribunal a eu un rôle déterminant dans la clarification des contours de la notion de « lien suffisant avec la Suisse », notion centrale et évolutive. Cela étant, le créancier qui entend se prévaloir de ce cas de séquestre doit soigneusement préparer sa requête en mettant en évidence les éléments objectifs du lien avec la Suisse.
Loin d’être une institution marginale, le séquestre des étrangers est devenu un outil de stratégie procédurale à part entière, dont l’utilisation requiert à la fois rigueur et maîtrise des mécanismes de droit international privé. C’est dans une tension permanente entre mobilité des patrimoines et territorialité des poursuites que s’inscrit le séquestre international.
[1] CR-LP Stoffel/chabloz, art. 271 N 15.
[2] ATF 124 III 219, c. 3bb, JdT 1999 II 140.
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