Droit des sociétés

La clause de non-concurrence dans une convention d’actionnaires

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Introduction


Dans les sociétés anonymes (SA), il est bien connu, la seule obligation de l’actionnaire est la libération du capital souscrit (art. 680 CO).


En effet, contrairement au droit de la société à responsabilité limitée (Sàrl), le droit de la société anonyme ne prévoit pas la possibilité de soumettre les actionnaires à une prohibition de faire concurrence à la société. La loi ne fixe une prohibition de concurrence que pour les membres du conseil d’administration ou de la direction (cf. art. 717 CO) ainsi que pour les employés de la société anonyme (cf. art. 321a al. 3 ou art. 340 CO). Les actionnaires qui n’exercent pas une fonction d’administrateur ou de directeur et qui ne sont pas employés par la société anonyme ne sont donc pas soumis à une prohibition de concurrence.


Toutefois, ces actionnaires ont la possibilité de se soumettre volontairement à une clause de non-concurrence dans le cadre d’une convention d’actionnaires.


La présente contribution a pour but de présenter les grandes lignes de la clause de non-concurrence dans une convention d’actionnaires, ainsi que de mettre en lumière les points auxquels il convient de faire attention, sans toutefois prétendre à l’exhaustivité.


Le but de la clause de non-concurrence


De manière générale, une clause de non-concurrence sert à obliger les parties à une convention d’actionnaires à ne pas faire concurrence à la société anonyme.


L’inclusion d’une clause de non-concurrence dans une convention d’actionnaires peut être particulièrement utile dans le cas de l’existence d’un plan d’intéressement pour les collaborateurs, ainsi que dans certaines situations de transferts d’entreprises.


En outre, les prohibitions légales de concurrence (art. 717 CO ou art. 340 ss CO) peuvent être concrétisées, voire même renforcées.


Durée, application et limite de la prohibition de faire concurrence


Une prohibition de concurrence s’applique pleinement aux actionnaires pendant leur participation à une convention d’actionnaires, et peut, si cela est prévu contractuellement, subsister même après la sortie d’un actionnaire de la société. Cela a pour conséquence de restreindre la liberté économique de l’actionnaire soumis à la clause de non- concurrence. L’art. 27 al. 2 CC pose toutefois des restrictions, en ce sens que la clause doit être limitée sur le plan matériel, géographique et temporel.  


Il convient de noter que les limites imposées par le droit et la jurisprudence dans les clauses de non-concurrence découlant d’un contrat de travail et les conditions posées aux articles 340 ss CO ne sont pas applicables pour déterminer la validité de l’interdiction de faire concurrence dans une convention d’actionnaires (arrêt TF 4C.5/2003 du 11 mars 2003, consid. 2.1.2).


L’une des raisons pour cela est que dans un contrat de travail, seul l’employé (et non l’employeur) est soumis à la prohibition de faire concurrence, tandis que dans une convention d’actionnaires, l’ensemble des actionnaires y sont soumis de manière égale. Par conséquent, l’application de la clause de non-concurrence peut potentiellement avoir une portée plus grande dans le cadre d’une convention d’actionnaires que dans le cadre d’un contrat de travail.


En ce qui concerne la limite matérielle, il sied de désigner la branche et des domaines d’activité auxquels se rapporte la prohibition de faire concurrence. Une prohibition de concurrence qui englobe également des activités ou des participations en dehors du but de la société anonyme devrait poser problème. De manière générale, il vaudrait mieux se baser sur le but de la société effectivement exercé, et non sur le but statutaire, qui est généralement très large.


Pour ce qu’il en est de la limite géographique, il est nécessaire que le champ d’application géographique de la prohibition de concurrence soit défini le plus précisément possible et qu’il soit limité dans l’espace (p. ex. dans un rayon de 50 km autour de l’entreprise ou sur le territoire du canton d’Argovie, TF 4C.5/2003 du 11 mars 2003, consid. 2.1.2).


Concernant enfin la limite temporelle, une prohibition de concurrence doit également être limitée dans le temps (p. ex. à deux ans après la vente des actions).


Ces différentes limites sont en principe évaluées ensemble, peuvent s’appliquer de manière variée selon les circonstances.


Par exemple, une prohibition de concurrence matériellement large ou géographiquement étendue peut être admissible si elle n’est valable que pour une courte durée. Inversement, une prohibition de faire concurrence de longue durée peut être valable si elle se limite à un domaine matériel étroit. Sont considérées comme excessives les clauses de non-concurrence qui empêchent l’ensemble de l’activité économique d’une partie contractante pour une longue durée. Dans un tel cas, le juge peut réduire la portée de clause de non-concurrence par application analogique de l’art. 163 al. 3 CO.


La clause de non-concurrence peut enfin être assortie d’une peine conventionnelle en cas de violation de la prohibition de concurrence.


Conclusion


En définitive, assortir les conventions d’actionnaires d’une clause de non-concurrence permet d’obliger les parties à une convention d’actionnaires à ne pas faire concurrence à la société anonyme, et peut s’avérer utile dans certaines situations. Il convient pour toutefois de limiter la clause de non-concurrence sur le plan matériel, géographique et temporel pour qu’elle soit valide. Les auteurs conseillent aux clients de consulter un avocat dans la rédaction d’une telle clause.

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