25/08/2025
Droit du bail

Expulsion d’un locataire

Selon un article paru le 21 juillet 2025 dans le journal 24heures, « De plus en plus de locataires sont expulsés de leur logement, et c’est inquiétant ». Cet article est l’occasion de faire un rappel de la procédure d’expulsion d’un locataire pour non-paiement du loyer.


Selon l’article susmentionné, « les expulsions forcées augmentent à Genève et dans le canton de Vaud. Ailleurs, les locataires sont sous pression. Le droit du bail suisse favorise les expulsions rapides en cas d’impayés de loyer ». Que prévoit le droit du bail et est-ce que la procédure d’expulsion est si facile et si rapide que cela ?


La relation entre un bailleur et un locataire est un contrat de droit privé, régi par les articles 253 et suivants du Code des obligations (CO). La liberté contractuelle n’est cependant pas complète dans ce domaine. En effet, le législateur suisse a rendu impératif certaines dispositions du CO dans le but de protéger le locataire. La protection du locataire se situe donc « à mi-chemin entre le droit privé et le droit public »[1].


En vertu de l’article 253 CO, le bail à loyer est un contrat par lequel le bailleur s’oblige à céder l’usage d’une chose au locataire moyennant un loyer. Le paiement d’un loyer est un élément essentiel du contrat de bail. Sans paiement d’un loyer, il n’y a pas de contrat de bail.


Ainsi, la première obligation du locataire est le paiement du loyer.


En vertu de l’article 257c CO, « le locataire doit payer le loyer et, le cas échéant, les frais accessoires, à la fin de chaque mois, mais au plus tard à l’expiration du bail, sauf convention ou usage local contraires ».


Dans le canton de Vaud, les Dispositions paritaires romandes et les Règles et Usages locatifs du canton de Vaud, prévoient que le « loyer, les acomptes de chauffage et de frais accessoires sont payables par mois d’avance au domicile du bailleur ou à son compte postal ou bancaire ».


Dès que le locataire est en retard dans le paiement du loyer, il est « en demeure ». L’article 257d CO règle expressément le cas de demeure du locataire.


Selon l’article 257d alinéa 1 CO, « lorsque, après la réception de la chose, le locataire a du retard pour s’acquitter d’un terme ou de frais accessoires échus, le bailleur peut lui fixer par écrit un délai de paiement et lui signifier qu’à défaut de paiement dans ce délai il résiliera le bail. Ce délai sera de dix jours au moins et, pour les baux d’habitations ou de locaux commerciaux, de 30 jours au moins ».


En d’autres termes, lorsque le locataire ne paye pas son loyer, le bailleur doit lui écrire et doit lui fixer, dans la lettre, un délai de paiement. C’est ce que l’on appelle l’avis comminatoire. Le délai fixé par le bailleur au locataire doit être au minimum de 30 jours pour les baux d’habitation et les locaux commerciaux. Il n’est donc pas possible de fixer un délai plus court que 30 jours pour ce type de locaux.


La lettre que le bailleur doit envoyer doit être claire. Elle doit contenir une invitation claire faite au locataire de payer. Le montant à payer doit être indiqué ou chiffré, ou doit, à tout le moins, être déterminable de manière certaine (par exemple en indiquant « le loyer non payé du mois d’août 2025 »).


La lettre doit également contenir la menace de la résiliation. En d’autres termes, elle doit indiquer que, à défaut de paiement dans le délai, le bail sera résilié.


Si le bail porte sur un logement de famille, la lettre doit être adressée à chacun des époux ou partenaires enregistrés par lettre séparée. Si le bail est conclu par des colocataires, la lettre doit être adressée à tous mais par forcément par pli séparé.


C’est ensuite uniquement à l’expiration du délai de paiement, qui a été fixé dans l’avis comminatoire, que le bailleur peut résilier le bail.


Le délai de paiement ne part cependant pas dès l’envoi de l’avis comminatoire mais dès le lendemain de la réception par le locataire de celui-ci.


Il appartient au bailleur de prouver la date de réception par le locataire et il est donc vivement conseillé d’adresser l’avis comminatoire par lettre recommandée.


La réception intervient alors au moment où le locataire retire le recommandé à la poste ou le dernier jour du délai de garde de 7 jours si le locataire n’est pas allé retirer le courrier.


Si le bailleur sait que le locataire n’a pas retiré le courrier recommandé, il est conseillé de réitérer l’envoi ou d’adresser à nouveau la lettre par courrier simple ou même par email.


Comme mentionné ci-dessus, une fois l’avis comminatoire réceptionné par le locataire et à l’échéance du délai de paiement resté sans effet, donc sans paiement par le locataire, le bailleur peut résilier le bail.


Cette résiliation – qui est considérée comme une résiliation anticipée – doit se faire par écrit et moyennant un délai de congé minimum de 30 jours pour la fin d’un mois pour les baux d’habitation et les locaux commerciaux.


La résiliation du bail doit impérativement se faire sur une formule officielle.


Si le bail porte sur un logement de famille, la formule officielle doit être adressée à chacun des époux ou partenaires enregistrés par lettre séparée.


Le bailleur doit être prudent car une résiliation du bail qui interviendrait trop tôt, donc avant la fin de l’échéance de paiement, peut être nulle ou annulable.


Le bailleur prudent fixera également au locataire une date d’état des lieux de sortie.


Si le locataire ne quitte pas l’appartement à la date de l’état des lieux ou à la date de la fin du contrat de bail, c’est à ce moment que le bailleur peut introduire une procédure en expulsion.


Si l’état de fait est simple et clair, le bailleur peut agir par le biais de la procédure en cas clair. Dans le canton de Vaud, cette procédure se fait devant le juge de paix. La procédure est sommaire et est donc censée être rapide.


« Rapide » signifie cependant quelques mois, soit environ entre deux et six mois, en matière de procédure sommaire.


Si l’état de fait n’est pas simple ou clair, le bailleur doit agir par la voie « ordinaire ». Dans le canton de Vaud, il doit d’abord saisir la commission de conciliation, qui en principe fixe une audience dans les deux à trois mois, et une fois la phase de conciliation terminée sans accord ou départ du locataire, il doit saisir le Tribunal des baux et la procédure au fond commence.


Cette voie « ordinaire » et la procédure au fond durent environ entre une année et deux ans, voire plus selon les circonstances.


Et dans tous les cas, – que l’état de fait soit simple et clair ou non – le locataire peut toujours contester la résiliation du bail.


Si l’autorité saisie, que l’on soit en procédure sommaire ou en procédure « ordinaire », prononce l’expulsion, le juge fixe au locataire un délai pour quitter les lieux.


Ce délai est laissé à la libre appréciation du juge et varie en fonction des circonstances. Il peut donc être quasi immédiat ou de quelques jours ou quelques semaines, voire d’un ou deux mois.


Et la procédure ne se termine pas encore là !


Le locataire a la possibilité de faire recours contre la décision de l’autorité.


S’il ne fait pas recours ou si la décision est confirmée, si le locataire ne quitte toujours pas le logement dans le délai fixé par le juge, le bailleur doit demander à l’autorité judiciaire l’exécution forcée, soit l’expulsion concrète et effective du locataire avec l’appui des forces de l’ordre.


En principe, cette exécution forcée ou expulsion par les forces de l’ordre se fait par la police, en présence d’un serrurier et également en présence d’un déménageur/ou une entreprise en charge de débarrasser l’appartement, voire même d’entreposer et conserver les meubles, si l’appartement n’était pas vide.


Ainsi, si l’état de fait est simple ou clair, et que le bailleur réagit rapidement, en respectant les délais fixés dans le CO, et que le locataire ne conteste pas les décisions, l’expulsion peut intervenir environ dans les six mois.


Si le cas est plus compliqué et si le locataire conteste les décisions, la procédure est bien entendu beaucoup plus longue.


Et quel que soit la durée de la procédure, en attendant, le bailleur ne perçoit aucun loyer et aucune charge, en lien avec l’appartement, et ne les récupèrera certainement jamais si la situation financière du locataire est difficile.


A cette perte financière, soit l’absence de loyers pendant plusieurs mois, s’ajoute le fait que tous les frais de procédure mais également les frais de l’intervention du serrurier et du déménageur, voire même les frais du garde meuble si l’appartement n’était pas vide, doivent être avancés par le bailleur.


Ces frais peuvent s’élever à quelques milliers de francs.


Ainsi, si le droit du bail suisse prévoit une possibilité de résilier le bail de manière anticipée en cas de non-paiement du loyer et permet au bailleur de demander son expulsion, l’expulsion d’un locataire n’est pas aussi « rapide » et simple que peut le laisser penser l’article paru le 21 juillet 2025 dans le journal 24heures. Cela prend plusieurs mois et cela a un coût important pour le bailleur, qui ne perçoit aucun loyer pendant toute la procédure.


Il est donc conseillé aux bailleurs d’agir rapidement, en faisant attention aux délais impératifs et de prendre conseil, et il est bien évidemment conseillé aux locataires de payer le loyer, dans les temps et sans retard, ou de contacter le bailleur en cas de difficultés financières et d’obtenir de l’aide auprès des services compétents si leur situation financière est difficile.




[1] Le Bail à loyer, David Lachat et Karin Grobet Thorens, Xavier Rublic, Pierre Stastny, Edition 2019, Asloca, p. 37

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