Droit des sociétés

Nouvelles obligations en cas dépassement du seuil de participation de 25% dans le droit de la société anonyme

La première partie du paquet législatif entré en vigueur le 1er juillet 2015 au sujet des actions au porteur commence à soulever les interrogations du praticien confronté à cette nouvelle loi. A cet égard, l’article 697j paragraphe 1 CO retient particulièrement l’attention.


Cette disposition stipule en effet que « quiconque atteint, seul ou de concert avec un tiers, des actions d’une société dont les titres ne sont pas cotés en bourse et dont la participation, à la suite de cette opération, atteint ou dépasse le seuil de 25 % du capital-actions ou des voix, est tenu d’annoncer dans un délai d’un mois à la société le prénom, le nom et l’adresse de la personne physique pour le compte de laquelle il agit en dernier lieu (ayant doit économique).»


L’article 697j CO s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre par la Suisse des recommandations du Groupe d’action financière (GAFI) de 2012. L’un des points centraux de ces recommandations porte sur le fait qu’une personne morale ne saurait être en elle-même l’ayant droit économique, cela même si cette personne morale n’est pas une société de domicile mais une société opérationnelle. Ainsi, dès le 1er janvier 2016, l’article 4 paragraphe 2 lettre b révisé de la loi fédérale sur le blanchiment d’argent (LBA) obligera tout intermédiaire financier à requérir de son cocontractant personne morale exerçant une activité opérationnelle une déclaration écrite indiquant la personne physique qui en est l’ayant droit économique. Or, selon le nouvel article 2 alinéa 3 LBA, « sont réputés ayants droit économiques d’une personne morale exerçant une activité opérationnelle les personnes physiques qui, en dernier lieu, contrôlent la personne morale, du fait qu’elle détiennent directement ou indirectement, seules ou de concert avec un tiers, une participation d’au moins 25% du capital ou des voix ou qu’elles la contrôlent d’une autre manière. Si ces personnes ne peuvent pas être identifiées, il y a lieu d’identifier le membre le plus haut placé de l’organe de direction ». Sans nul doute que les articles 2 et 4 LBA susmentionnés constitueront la base de l’obligation d’annonce prévue à l’article 697j CO.


Il sied de relever que cette nouvelle obligation d’annonce est valable pour toutes les sociétés anonymes, que leur capital-actions soient composé d’actions au porteur ou d’actions nominatives. L’annonce doit être effectuée « à la société », c’est-à-dire au conseil d’administration. Ce dernier n’est pas à proprement parler responsable de cette annonce, laquelle incombe à l’acquéreur. Toutefois, si l’on met cette obligation d’annonce en relation avec les nouveaux articles 2 et 4 LBA, l’on peut facilement estimer que le conseil d’administration peinera à expliquer pour quelles raisons il n’a pas été tenu au courant de l’atteinte ou du dépassement de ce seuil et de l’identité de l’ayant droit économique concerné. En outre, aux termes me de l’article 697m CO le conseil d’administration est responsable de s’assurer qu’aucune actionnaire n’exerce ses droits en violation de ses obligations d’annoncer. Or, si cette obligation d’annonce n’est pas effectuée, l’acquéreur actionnaire ne pourra exercer les droits sociaux liés aux actions considérées, ni faire valoir les droits patrimoniaux liés à ces actions. Pour ces raisons, cette obligation d’annonce constitue donc bien à notre sens une nouvelle obligation pour chaque conseil d’administration de société anonyme. Cette obligation est s’applique également à chaque associé d’une sàrl puisque ce nouveau paquet législatif a également introduit un article 790a dans le code suisse des obligations contraignant les acquéreurs de parts sociales de société à responsabilité limitée aux mêmes obligations d’annonce.


C’est toutefois dans l’identification de l’ayant droit économique que réside à notre sens la plus grande difficulté. En effet les termes de l’article 697j ou ceux de l’article 790a CO se contentent de poser le problème sans véritablement le résoudre. Ainsi, qu’en sera-t-il dans le cas – pas si insolite – où une société holding détient une participation de 60 % dans une société qui ne détient elle-même que 30 % des actions dans la société finale concernée ? Pourrait-on alors considérer que la personne physique possédant la totalité des participations de cette holding faîtière échappe à l’obligation d’annonce car cette personne physique possède en réalité moins de 25% « d’influence économique » dans la société finale ? Doit-on au contraire s’en tenir strictement au seuil de 25% indépendamment du fait que l’ayant droit économique du détenteur final n’atteint pas le seuil de 25% en termes de contrôle économique de la société ? La question reste encore ouverte en ces premiers jours d’application de la loi. La tendance est toutefois à la prudence. Car le principe de transparence est de mise. Nous conseillons donc en l’état au conseil d’administration, mais surtout aux acquéreurs de s’en tenir strictement au seuil de 25 % est de procéder aux annonces prévues aux articles 697j et 790a CO dès que ce seuil est atteint.



Christophe Wilhelm – 7 septembre 2015

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