Droit des sociétés

Prêts COVID-19 : gare aux restrictions d’utilisation

Les entités ayant recouru aux prêts COVID-19 cautionnés par la Confédération doivent être très rigoureuses quant à l’utilisation qu’elles en font. En effet, tant l’Ordonnance sur les crédits cautionnés COVID-19 que l’avant-projet de loi actuellement en discussion à l’Assemblée fédérale interdisent aux bénéficiaires de ces prêts de faire certaines dépenses jusqu’à ce que ceux-ci ne soient remboursés. Si ces interdictions ne sont pas respectées, le bénéficiaire du prêt engage sa responsabilité civile et pénale.


A la suite des mesures de semi confinement prononcé au mois de mars 2020, le Conseil fédéral a édicté toute une série de mesures en vue de venir en aide aux sociétés mises en difficultés par la pandémie. Parmi ces mesures figure l’Ordonnance du 25 mars 2020 sur l’octroi de crédits et de cautionnements solidaires à la suite du coronavirus (ci-après : OCaS-COVID-19), laquelle a permis aux entités éligibles d’obtenir un prêt cautionné par la Confédération d’un montant de 10% de leur chiffre d’affaires jusqu’à CHF 500’000.- par une procédure qui se voulait rapide et non bureaucratique.


L’OCaS-COVID-19 ayant été édictée sous forme de droit d’urgence, elle va être remplacée par une loi, dont l’avant-projet est actuellement en discussion à l’Assemblée fédérale (ci-après : AP-LCaS-COVID-19).


Il ressort des statistiques publiées par la Confédération que seuls 4’030 prêts ont été remboursés sur les 136’608 prêts sollicités. La majorité de ces prêts ont été sollicités par des entités au tout début de la pandémie et il leur était à ce moment difficile d’établir quelles seraient les conséquences précises qu’auraient le COVID-19 sur la marche de leurs affaires. Or, certains secteurs d’activités n’ont pas été touchés par la pandémie.


Dans ce contexte, il convient de souligner que les organes dirigeants des entités qui ont obtenu des prêts cautionnés sur la base de l’Ordonnance ne sont pas libres quant à l’utilisation de leur trésorerie tant que dure le prêt. En effet, tant l’OCaS-COVID-19 que l’avant-projet de LCaS-COVID-19 actuellement en discussion à l’Assemblée fédérale prévoient que le prêt cautionné sert à garantir les besoins en liquidités du preneur de crédit à la suite de l’épidémie de COVID-19 (art. 6 OCaS-COVID-19 ; art. 2 al. 1 AP-LCaS-COVID-19). L’objectif de cette limitation est d’éviter que l’argent du contribuable ne serve d’autres fins que celle de pallier une baisse ponctuelle des liquidités des bénéficiaires.


En sus de cette clause générale, certaines dépenses sont expressément interdites. Ainsi, l’OCaS-COVID-19 actuellement en vigueur interdit aux bénéficiaires du prêt durant la durée du prêt les éléments suivants :


  • exécution par le preneur de crédit de nouveaux investissements dans des actifs immobilisés autres que des investissements de remplacement (art. 6 al. 2 let. b OCaS-COVID-19)
  • la distribution de dividendes et tantièmes ainsi que le remboursement d’apport en capital (art. 6 al. 3 let. a OCaS-COVID-19) ;
  • l’octroi de prêts actifs ou le refinancement de prêts à des actionnaires revêtant la forme de prêts actifs, à l’exception du refinancement de découverts de compte accumulés depuis le 23 mars 2020 auprès de la banque qui accorde le crédit cautionné par la présente ordonnance (art. 6 al. 3 let. b OCaS-COVID-19) ;
  • le remboursement de prêt intragroupes, et  (art. 6 al. 3 let. c OCaS-COVID-19) ;
  • le transfert de fonds garantis par un cautionnement solidaire à une société du groupe n’ayant pas son siège en Suisse liée directement ou indirectement au requérant (art. 6 al. 3 let. d OCaS-COVID-19)


L’avant-projet de LCaS-COVID-19 reprend l’essentiel de ces restrictions en précisant toutefois qu’il est admissible de rembourser les intérêts et les amortissements dus selon les obligations ordinaires existant avant l’octroi du prêt COVID des prêts actionnaires, des prêts intragroupes et des transferts de fonds garantis par un cautionnement solidaire à une société du groupe ayant son siège à l’étranger. Cette précision figurait déjà dans le commentaire des dispositions de l’OCaS-COVID-19 publié par le Département fédéral des finances le 14 avril 2020 et il est désormais prévu qu’elle figure dans la loi, ce qui permet de régler cette question.


Relevons cependant que l’interdiction de réaliser de nouveaux investissements n’est pas reprise dans l’avant-projet de loi. Ainsi, il sera possible d’utiliser les prêts COVID-19 non encore utilisés pour réaliser des investissements dès que la LCaS-COVID-19 sera rentrée en vigueur (Art. 26 al. 2 AP-LCaS-COVID-19).


Les organes des entités « saines » ayant recouru initialement aux prêts COVID et qui ne les ont pas encore remboursés doivent ainsi veiller scrupuleusement au respect des restrictions exposées ci-dessus, sous peine de se voir exposés aux conséquences pénales et civiles de leurs actes. En effet, aussi bien l’Ordonnance que l’avant-projet de loi prévoient que si l’une ou plusieurs des activités interdites décrites ci-dessus étaient effectuées, l’auteur s’expose à une amende de CHF 100’000.- au plus. Par ailleurs, il n’est pas exclu que le comportement puisse constituer une infraction plus grave réprimée pénalement.

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