Comme beaucoup de métiers, celui de l’avocat est également amené à évoluer, en raison des nouvelles méthodes de travail qui apparaissent, influencées par l’utilisation de nouvelles technologies et par une numérisation croissante des activités. Les annuaires d’avocats, les sites de référencement, les legal marketplaces ou encore les outils générant des modèles de contrats ou de conventions sont désormais monnaie courante et retiennent l’intérêt du justiciable. Inévitablement, l’avocat réorganise également sa manière de travailler, en offrant ses services par le biais de telles plateformes, en cherchant à augmenter son efficacité tout en réduisant ses coûts par la numérisation de documents ou encore en exerçant dans un espace de coworking, moins coûteux qu’une structure classique.
Mais cette mue numérique et ces nouvelles méthodes de travail sont-elles réellement bénéfiques au métier d’avocat et profitent-elles vraiment au client ?
Les principes cardinaux qui encadrent l’exercice de la profession d’avocat sont le respect du secret professionnel de l’avocat, l’obligation de conduire le mandat avec soin et diligence, l’indépendance de l’avocat, le libre choix de ce dernier ainsi que l’absence de conflit d’intérêts (art. 12 et 13 LLCA).
Il faut toutefois garder à l’esprit que l’ensemble de ces principes est destiné principalement à protéger les intérêts du client et non pas de l’avocat. La relation qui s’établit entre l’homme de loi et son client est fondée sur la confiance ; il faut donc pouvoir garantir au client qu’il peut parler librement à son avocat, que ce dernier traitera son mandat avec toute la diligence nécessaire et qu’il ne se mettra pas dans une situation dans laquelle ses intérêts viendraient entraver ceux de son client.
Le Tribunal fédéral a apporté au fil du temps des précisions quant à ces différents principes et en particulier à l’application de la Loi sur la libre circulation des avocats (LLCA).
Après avoir tout d’abord autorisé les études d’avocats à se constituer sous la forme d’une société de capitaux (SA ou Sàrl), le Tribunal fédéral a ensuite refusé la possibilité pour une SA d’avocats d’être inscrite au Registre cantonal des avocats si la structure autorise une participation minoritaire de personnes non inscrites au barreau (2C_1054 et 1059/2016, du 15 décembre 2017). La règle de l’indépendance de l’avocat exclurait ainsi la possibilité d’un tiers actionnaire ou membre du conseil d’administration non avocat, comme par exemple un expert fiscal. Cet arrêt a reçu des réactions très nuancées, entre ceux qui considèrent que cette solution permet d’assurer le respect des spécificités du métier d’avocat et ceux qui, au contraire, ont considéré cette décision comme une entrave à la liberté économique de l’avocat et comme un garde-fou exagéré qui n’était pas commandé par les intérêts du client (Weniger Schranken für die Anwaltstätigkeit“, par Urs Hägi et Daniel Maritz, Article paru dans la NZZ du 20 mai 2019). A cet égard, il sied de relever que la Commission de surveillance des avocats du canton de Zurich a décidé de faire fi de cette jurisprudence et de continuer à autoriser les structures multidisciplinaires, à conditions qu’elles respectent le reste des conditions posées jusqu’à présent par cette Commission, en considérant qu’il est dans l’intérêt du client de pouvoir bénéficier sans contraintes et sans délai de l’expertise de certains professionnels non avocats « in house », ces derniers étant couverts par le secret professionnel en leur qualité d’auxiliaire de justice.
Dans un arrêt publié cette semaine (2C_1083/2017, destiné à la publication), dans lequel le Tribunal fédéral s’est penché sur la question de l’admissibilité des espaces de coworking pour les avocats, notre Haute cour a eu l’occasion de préciser d’avantage ces principes cardinaux de la profession d’avocat. D’un côté, cet arrêt va probablement être interprété par certains comme un frein aux nouvelles alternatives de travail, le Tribunal fédéral ayant en l’espèce considéré que l’avocat concerné ne pouvait exercer dans un espace de coworking à Genève, dès lors que le déséquilibre des conditions générales de l’entreprise mettant à disposition les locaux mettait l’avocat dans une situation de dépendance.
Même si les nouvelles technologies peuvent offrir à l’avocat une mobilité accrue, le Tribunal fédéral précise dans cet arrêt qu’une adresse physique reste indispensable pour la pratique du métier d’avocat, ce dernier ne pouvant donc pas exercer uniquement par le biais d’une plateforme numérique par exemple. L’avocat doit toujours pouvoir rencontrer physiquement ses clients, « ce contact étant indispensable à la défense des intérêts de ces derniers, même avec les nouveaux modes de communication, ainsi que pour préserver la confidentialité et, partant, le secret professionnel. » (c. 8.3).
D’un autre côté, cet arrêt a toutefois apporté une confirmation attendue depuis longtemps, à savoir que « le professionnel externe chargé de la conservation et de la protection à distance des données informatiques » est un auxiliaire de l’avocat (c. 7.3), au même titre qu’un détective privé, une entreprise de nettoyage, une banque ou une entreprise de traduction. Cela signifie donc que l’avocat peut avoir recours à un service « cloud » pour y stocker ses données, y compris les données de ses clients, sans violer son secret professionnel. Notre Haute Cour a apporté quelques restrictions à ce droit, en particulier en précisant que l’avocat doit néanmoins choisir soigneusement ce prestataire et veiller à ce qu’il respecte à son tour les conditions posées par le secret professionnel, sans déléguer à son tour ces tâches (c. 7.2 et 7.3). L’avocat doit également limiter de manière raisonnable le cercle de personnes qui ont accès aux informations secrètes et prendre des mesures suffisantes pour sécuriser ces informations (c. 7.4). Cet arrêt a laissé une porte ouverte au coworking, l’initiateur du projet litigieux considérant qu’il suffit de changer les quelques points litigieux soulevés par le Tribunal fédéral pour permettre ensuite aux avocats de profiter de ces nouveaux modes de travail.
La question qui se pose reste donc de savoir si cette approche moins restrictive du Tribunal fédéral, laquelle entrouvre la voie à d’autres manières de travailler pour les avocats, profitera réellement au justiciable.
Récemment, la Fédération suisse des avocats a émis des directives quant à l’utilisation de plateformes juridiques par les avocats. Faisant le constat que ces plateformes sont devenues incontournables et de plus en plus nombreuses, le Conseil de la FSA a cherché à cadrer leur utilisation pour que les avocats qui y offrent leurs services respectent l’ensemble des règles professionnelles et déontologiques auxquelles ils sont soumis. Ces règles se sont largement inspirées de celles émises par le Conseil des barreaux européens (CCBE).
Elles donnent aux avocats concernés la possibilité de se poser les questions fondamentales avant de s’engager et de fournir des prestations online. Bien évidemment, chaque avocat demeure responsable de sa propre décision et de sa propre organisation.
Proner une libéralisation de la profession d’avocat et souhaiter des conditions moins restrictives pour son exercice peut se justifier par l’intérêt du client à obtenir un service rapide, spécialisé et de qualité. Néanmoins, il convient de s’interroger sur les dérives potentielles de ces nouvelles formes d’organisation : abaisser les charges de l’avocat pour pouvoir offrir un service à un meilleur tarif est un objectif qui s’inscrit parfaitement dans le marché très concurrentiel des services, mais le « low-cost » et « l’uberisation » ne sont-ils pas malheureusement devenus synonymes de prestations de moindre qualité ? Ne risque-t-on pas en réalité de précariser le métier d’avocat et de prétériter la qualité du service fourni aux clients ?
N’est-ce pas occulter une des composantes essentielles du métier d’avocat, à savoir le contact humain ? Quant bien même certains domaines du droit se prêtent davantage à un traitement succinct par voie informatique, nombreux restent les cas où l’avocat doit écouter, rassurer et conseiller ses clients en personne.
Une structure dite traditionnelle peut bien évidemment évoluer et bénéficier des nouvelles technologies. Elle doit d’ailleurs absolument le faire pour rester concurrentielle. C’est ainsi qu’elle sera en adéquation avec l’évolution à laquelle font également face ses clients, et optimiser les services fournis. Elle va ainsi suivre également la mue juridique des autorités judiciaires, qui mettent en œuvre le projet Justicia 4.0, à savoir la transition vers un dossier judiciaire numérique et une communication électronique entre autorités, avocats et justiciables.
En revanche, fonctionner sous la forme d’une structure dans laquelle les services sont maintenus à l’interne, sans avoir recours à des prestataires externes pour réduire les coûts, par exemple en ce qui concerne la réception téléphonique, le traitement du courrier ou la gestion électronique des documents permet de toute évidence de garder la main sur la qualité de ses services et de veiller au respect des règles déontologiques de manière stricte. C’est ainsi les intérêts du client que l’on sert en veillant à limiter l’externalisation des services d’avocat, tout en utilisant les nouvelles technologies pour optimiser son activité.
Il ne faut pas se montrer restrictif quant à ces nouvelles méthodes de pratiquer le droit. Il est impossible de résister au numérique et les disrupteurs qui proposent des services juridiques numériques favorisent une amélioration des procédures internes de l’avocat.
Toutefois, il est à espérer que les évolutions jurisprudentielles futures continueront à garder à l’esprit, lors de la définition du cadre dans lequel un avocat peut exercer son activité, que ce sont les intérêts des clients qu’il est indispensable de sauvegarder, tout en trouvant le juste équilibre entre ces intérêts, la liberté économique de l’avocat et la révolution 4.0.
A l’heure du développement durable et d’un tournant dans le paradigme sociétal, le numérique doit être utilisé comme un outil qualitatif et non d’optimisation quantitative des tâches. L’utilisation de ces outils est incontournable, y compris pour les avocats, mais il ne doit pas avoir pour finalité de produire plus, mais de produire mieux.
Pour ces raisons, WILHELM Avocats SA privilégie une structure interne fiable, mais moderne, dans le cadre de laquelle chaque avocat exerce sa profession en veillant en priorité aux intérêts des clients, à la création d’un lien de confiance fort avec ces derniers et en leur fournissant un service de qualité.
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