23/09/2025
Droit des sociétés

La notification en procédure civile en Suisse : entre pli recommandé, courrier A+ et sécurité juridique

Introduction


En procédure civile suisse, les règles applicables à la notification d’actes, de décisions ou de courriers de partie adverse notamment sont centrales dès lors qu’elles visent à assurer le bon déroulement de la procédure. Elle garantit en outre le respect du droit d’être entendu des parties, assure la sécurité juridique et surtout, constitue le point de départ des délais légaux.


Cet article propose un bref état des lieux du régime juridique de la notification en procédure civile suisse, avec un focus particulier sur le courrier A+ au vu de sa démocratisation croissante.


Théorie de la réception dans la sphère d’influence


Pour qu’un courrier fasse courir un délai légal, il doit avoir été valablement notifié à son destinataire. La preuve de la réception par le destinataire est régie par les principes généraux en matière de communication des déclarations de volonté soumises à réception. Selon ces principes, un courrier parvient au destinataire dès qu’il entre dans sa sphère d’influence. C’est le cas lorsqu’un envoi par pli simple (ou non recommandé), communiqué par un particulier ou par La Poste, est déposé dans la boîte aux lettres du destinataire, et ce peu importe que le destinataire prenne effectivement connaissance de l’envoi.


En d’autres termes, un acte est réputé notifié dès qu’il entre dans la sphère d’influence du destinataire – par exemple dans sa boite aux lettres ou case postale – et commence ainsi à faire courir le délai.


La loi et la jurisprudence distinguent divers modes de communication : par pli recommandé, courrier ordinaire ou encore par le biais du courrier A+ (ou A-Post Plus), un mode de notification introduit par La Poste suisse il y a plusieurs années et aujourd’hui de plus en plus utilisé, tant par les parties à une procédure (ou leur avocat) que les autorités.


Les fondements de la notification en droit suisse


La notification d’actes en procédure civile suisse vise à porter un acte officiel à la connaissance de son destinataire de manière formelle. Elle constitue une condition de validité de nombreux actes judiciaires (décisions, ordonnance, citations, etc.) et sert de point de départ des délais pour agir ou réagir juridiquement.


En procédure civile, le Code de procédure civile suisse (CPC) régit la notification à ses articles 138 et suivants. Il prévoit des notifications :


  • Par voie postale (art. 138 al. 1 et 4 CPC)
  • Par remise contre accusé de réception
  • Par publication
  • Par voie électronique.


Le choix du mode de communication dépendra de la nature de l’acte notifié.


La distinction entre types d’actes et modalités de notification


Les actes soumis à notification formelle(les citations, ordonnances, décisions et actes de la partie adverse) doivent en principe être notifiés de manière formelle par les autorités, soit :


  • Par pli recommandé,
  • Par remise contre signature,
  • Ou par un mode équivalent, assurant la preuve de réception.


Les actes soumis à notification simple (les « autres actes »), à savoir les documents communiqués à titre purement informatif, peuvent être notifiés par les autorités par courrier ordinaire (pli simple A ou B). Ces actes n’entraînent en principe pas d’obligations juridiques immédiates pour le destinataire (ex. : procès-verbaux, copies de pièces).


La notification par pli simple est réputée faite dès l’entrée du pli dans la sphère d’influence du destinataire, sans qu’une preuve formelle de réception soit exigée. Le pli simple ne permet donc pas d’assurer la preuve de la notification. Or, le fardeau de la preuve de notification d’un acte et de la date à laquelle celui-ci a été notifié incombe en principe à l’autorité qui entend en tirer une conséquence juridique ; celle-ci supporte les conséquences de l’absence de preuve, si bien que lorsque la notification ou sa date est contestée, et qu’il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l’envoi. Il en résulte que la notification ne devrait intervenir par pli ordinaire que lorsque la preuve de celle-ci n’est pas nécessaire.


Le courrier A+ : un mode hybride entre recommandé et pli simple


Le courrier A+ (ou A-Post Plus) est un service postal spécifique offrant un envoi prioritaire avec preuve de dépôt dans la boîte aux lettres ou case postale, mais sans signature du destinataire.


Concrètement, la lettre est numérotée et envoyée par courrier A de la même manière qu’une lettre recommandée. Toutefois, contrairement au courrier recommandé, le destinataire n’a pas à en accuser réception. En cas d’absence, celui-ci ne reçoit donc pas d’invitation à retirer le pli. La livraison est néanmoins enregistrée électroniquement au moment du dépôt de l’envoi dans la boîte aux lettres ou la case postale du destinataire. Grâce au système électronique Track & Trace (suivi d’envoi) de la poste, il est ainsi possible de suivre l’envoi jusqu’à la zone de réception du destinataire. L’expéditeur pourra ainsi démontrer quand le pli est entré dans la sphère de connaissance du destinataire, élément déterminant pour fixer le moment de la notification, à moins de règle contraire.


Le recours à cette forme d’envoi s’est notablement accru ces dernières années – et ce tant par les autorités que les parties (ou leur conseil) à des procédures – pour des motifs d’économie de coûts liés à l’envoi.


Il n’en demeure pas moins que le courrier A+ requiert une certaine vigilance, en particulier pour son destinataire. En effet, le destinataire d’un courrier A+ doit être particulièrement attentif au jour de dépôt du courrier A+ dans la boite aux lettres dès lors qu’un délai légal commence à courir lors du dépôt dans la boîte aux lettres ou postale du destinataire.


Réformes et clarification législative


A noter que depuis le 1er janvier 2025, l’art. 142 al. 1bis CPC a introduit une précision importante et bienvenue pour les justiciables (et leurs conseils), qui avaient été nombreux à subir les conséquences parfois désastreuses de calculs de délais erronés en raison d’une notification par courrier A+ un samedi.


La novelle assouplit donc le système en prévoyant désormais que « lorsqu’un acte notifié par envoi postal normal est reçu un samedi, un dimanche ou un jour férié, la communication est réputée avoir lieu le premier jour ouvrable suivant. »


Cette modification vise ainsi à éviter les pertes de droits des justiciables en cas de notification le week-end, le délai légal commençant donc à courir non pas le jour de dépôt du courrier A+ si ce jour tombe durant un weekend ou un jour férié, mais le jour ouvrable suivant.   


Conclusion


En conclusion, la notification par courrier A+ semble convenir à de nombreux justiciables et autorités, pour des raisons d’optimisation économique et logistique. Elle s’inscrit dans une évolution pragmatique des pratiques de communication entre les autorités et les justiciables. Elle ne saurait toutefois remplacer les garanties qu’offre le courrier recommandé, en particulier lorsqu’il s’agit d’actes judiciaires décisifs.


Les justiciables doivent faire preuve de vigilance accrue, notamment en consultant régulièrement leur courrier et en tenant compte du fait qu’un pli envoyé par courrier A+ peut faire courir un délai dès son dépôt, même en l’absence de signature.

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