I. Introduction
Lorsqu’il ressort des comptes d’une société anonyme que les actifs de la société, après déduction des dettes, ne couvrent plus la moitié de la somme du capital-actions (y compris l’éventuel capital de participation) et les réserves légales (réserve légale issue du capital et réserve légale issue du bénéfice), alors la société anonyme se trouve en perte de capital au sens de l’art. 725a CO.
Dans une telle situation, l’art. 725a CO, mais également le devoir de diligence et le devoir de fidélité auquel sont soumis les administrateurs au sens de l’art. 717 al. 1 CO, impose au conseil d’administration de prendre des mesures propres à mettre un terme la perte de capital.
Cet article s’évertue à présenter, les mesures d’assainissement et les outils principaux dont dispose le conseil d’administration afin de mettre fin à la perte de capital au sens de l’art. 725a CO.
II. Mesures d’assainissement
Parmi les différentes mesures d’assainissement, le conseil d’administration peut prendre (1) des mesures comptables, (2) des mesures de modification de la structure du capital-actions ainsi que (3) des mesures opérationnelles.
1. Mesures comptables
a. Compensation de la perte avec les réserves
Tout d’abord, pour éviter une perte de capital, le conseil d’administration peut compenser la perte par les réserves existantes. Pour se faire, le conseil d’administration peut utiliser les réserves facultatives issues du bénéfice, mais également une partie de la réserve légale issue du capital (art. 671 CO) ainsi que de la réserve légale issue du bénéfice (art. 672 CO). Les réserves facultatives issues du bénéfice réduisent certes la perte au bilan, mais n’ont pas d’influence sur la perte de capital au sens de l’art. 725a CO, car le calcul de celle-ci est effectué indépendamment des réserves facultatives issues du bénéfice. En revanche, l’utilisation des réserves légales a un impact direct sur la perte de capital, à laquelle il peut ainsi être remédié dans certaines circonstances.
b. Réévaluation des immeubles ou des participations
En principe, les immeubles et les participations sont évalués et comptabilisés à leur valeur d’acquisition, déduction faite des amortissements nécessaires conformément à l’art. 960a CO. Dans le cas d’une perte de capital au sens de l’art. 725a CO, l’art. 725c CO permet au conseil d’administration de réévaluer et comptabiliser les éventuels immeubles et/ou participations (actions et autres titres détenues dans d’autres sociétés) activés au bilan à leur valeur réelle, si tant est que cette dernière dépasse la valeur d’acquisition. Le montant de la réévaluation doit figurer séparément au bilan dans la réserve légale issue du bénéfice, comme réserve de réévaluation.
Ainsi, la nouvelle comptabilisation des immeubles et des participations à leur valeur réelle, plutôt qu’à leur valeur d’acquisition, aura pour conséquence d’augmenter les actifs, et de réduire ainsi la perte au bilan. Dans certains cas, cela suffit pour mettre fin à la situation de perte de capital.
2. Mesures de modification de la structure du capital-actions
Le conseil d’administration peut ensuite prendre trois différentes mesures tendant à modifier la structure du capital-actions, dans le but de mettre un terme à la perte de capital. Il devra pour se faire impérativement convoquer une assemblée générale extraordinaire, car les mesures évoquées ci-dessous doivent être approuvées par l’assemblée générale (art. 698 al. 2 ch. 9 CO).
a. Augmentation du capital-actions
Une augmentation de capital peut constituer une mesure d’assainissement, car lorsque de nouvelles actions sont émises, de nouveaux avoirs sous forme de liquidités sont injectés dans la société dans les actifs circulants. Le total du bilan va ainsi augmenter. Bien que la perte au bilan demeure inchangée, le rapport entre les actifs et la perte au bilan est modifié, de sorte qu’une perte de capital pourra le cas échéant être évitée.
En d’autres termes, le fait qu’il y ait plus d’actifs et plus de capital-actions a pour conséquence de diminuer la partie non-couverte (par les actifs moins les dettes) du capital-actions (y compris le capital de participation) et des réserves légales, de sorte que cette partie non-couverte passe en dessous de 50%. Dans un tel cas, la perte de capital au sens de l’art. 725a CO est écartée.
b. Réduction du capital-actions
Au lieu d’augmenter le capital-actions de la société anonyme, le conseil d’administration peut également décider de réduire le capital-actions au sens de l’art. 653p CO. Il s’agit en l’espèce d’une procédure simplifiée de réduction du capital-actions destinée aux situations où il y aurait une perte au bilan, mais aussi aux situations de perte de capital au sens de l’art. 725a CO.
Dans un tel cas, le capital-actions de la société anonyme est réduit par la reprise et destruction immédiate d’une partie des actions par la société anonyme ou par la réduction de la valeur nominale des actions, sans contrepartie aucune pour les actionnaires. La société anonyme détruit les actions ou procède à la réduction de la valeur nominale des actions. Les actionnaires renoncent ainsi à une partie de leur participation dans la société. Au terme de la réduction du capital-actions, les actifs de la société anonyme ne changent pas, en ce sens qu’aucune contribution n’est reversée aux actionnaires.
La réduction du capital-actions a toutefois pour effet de réduire la perte au bilan. Le rapport entre la perte au bilan et le capital-actions (y compris le capital de participation) et les réserves légales est également modifié. Dès lors, une perte de capital peut, dans certains cas, être évitée.
c. La réduction du capital-actions à zéro et l’augmentation du capital-actions simultanée au sens de l’art. 653r CO (coup d’accordéon)
Si une simple réduction du capital-actions ne suffit pas pour mettre un terme à la perte de capital, le conseil d’administration peut opter pour une réduction du capital-actions à zéro, avec une augmentation du capital-actions simultanée.
En d’autres termes, le capital-actions de la société est réduit à zéro sans qu’aucune compensation ne soit payée par la société anonyme aux actionnaires. Autrement dit, les actionnaires acceptent de renoncer en totalité à leur participation dans la société. Le capital-actions est ensuite réaugmenté simultanément, et les actionnaires, qui disposent d’un droit de souscription préférentiel, réinjectent des fonds dans la société. Ainsi, au terme de cette opération, le bilan indiquera le même capital-actions qu’avant l’opération, mais il y aura davantage d’actifs circulants, ce qui a pour conséquence de réduire la perte au bilan et d’influencer positivement sur la situation de perte de capital au sens de l’art. 725a CO.
3. Mesures opérationnelles
Enfin, en parallèle des mesures précitées, le conseil d’administration peut encore décider de prendre des mesures opérationnelles. Ces dernières peuvent constituer des mesures d’économies visant à diminuer les charges de l’entreprises (Cash Burn), notamment le licenciement d’une partie du personnel, la diminution des frais de recherche et développement, voire l’abandon ou la vente de certaines activités pas ou peu rentables.
III. Conclusion
Au vu du catalogue de mesures d’assainissement dont dispose le conseil d’administration pour faire face à une situation de perte de capital au sens de l’art. 725a CO, il convient d’en faire usage de manière diligente au cas par cas. Si des mesures comptables suffisent à pallier à la perte en capital, les mesures plus incisives telles que des mesures de modification de la structure du capital-actions ou des mesures opérationnelles ne sont pas forcément nécessaires.
Dans tous les cas, il est conseillé aux administrateurs de s’entourer de spécialistes en comptabilité afin de satisfaire à leur devoir de diligence en cas de perte de capital au sens de l’art. 725a CO.
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