Le 1er avril 2020 est entrée en vigueur la révision de la loi fédérale sur le droit d’auteur et les droits voisins (LDA). Initiée en 2012, la révision aura finalement mis près de huit ans à aboutir. Un premier rapport, publié en 2013 par le groupe de travail AGUR 12, avait donné lieu à une première bouture publiée en fin d’année 2015 qui, face aux innombrables prises de position (plus de 1’200 pour un rapport de 8’000 pages…), avait contraint le groupe de travail AGUR 12 II à revoir sa copie. Ce n’est finalement que le 27 septembre 2019 que le projet était approuvé par les deux chambres du Parlement fédéral.
Parallèlement, l’Union Européenne n’était pas en reste, puisque la nouvelle Directive (UE) 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché numérique était entrée en vigueur le 7 juin 2019, avec un délai de transposition de deux ans fixé aux Etats membres.
Plusieurs objectifs étaient visés par ces révisions, parmi lesquels celui de responsabiliser davantage les fournisseurs pour lutter plus efficacement contre la piraterie et mieux rémunérer les créateurs. Nous nous limiterons ici à la question de la responsabilité.
L’approche retenue entre la Suisse et l’Union Européenne est différente. Rappelons qu’à la différence du droit suisse, l’Union Européenne disposait déjà au travers des articles 12 à 15 de la Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique dans le marché intérieur (dite « Directive sur le commerce électronique ») d’un régime de limitation de responsabilité assez clair pour les intermédiaires techniques que sont les fournisseurs d’accès ou d’hébergement en particulier. Tel n’était pas le cas de la Suisse, une situation qui l’avait conduite en 2016 à figurer sur une liste de surveillance des pays ne prévoyant pas une protection suffisante des intérêts américains en matière de propriété intellectuelle (Rapport spécial 301). La révision aura permis de remédier à cette situation malheureuse.
A la différence de l’approche retenue par la majorité des Etats membres au sein de l’Union Européenne, le législateur helvétique n’aura toutefois pas consacré de responsabilité des fournisseurs d’accès pour les contenus illicites auxquels ils permettent l’accès. Les considérant trop éloignés des comportement incriminés, redoutant que le blocage des sites auxquels ces fournisseurs auraient pu être contraints n’aille au-delà du strict nécessaire (phénomène dit de l’overblocking), le législateur a finalement renoncé à réguler leur responsabilité, suivant en cela l’opinion du Tribunal fédéral dans un l’arrêt 4A_433/2018 rendu le 8 février 2019 (ATF 145 III 72).
Le droit suisse renonce donc à cet égard à un outil dont la plupart des Etats européens se sont dotés. Les opérateurs de télécommunication sortent donc indemne de cette révision.
Il n’en va pas de même des fournisseurs d’hébergement, qui devront désormais faire preuve d’une certaine diligence, définie au nouvel article 39d introduit par la révision. Qu’ils se rassurent toutefois, cette diligence demeure limitée à différents égards :
Sans entrer ici dans les détails, on peut s’interroger sur la nature du contenu illicite ; doit-il nécessairement s’agir d’une œuvre protégée par le droit d’auteur, comme l’insertion de cette disposition au sein de la LDA peut le laisser penser, ou peut-il s’agir d’un autre type de contenu illicite, comme un site de produits contrefaits qui, par hypothèse, ne seront pas systématiquement protégés par des droits d’auteur, mais qui pourraient tomber sous le coup de la notion de « autre objet protégé » ? A partir du moment où les titulaires de marques sont en droit de se référer au code simsa précité, il serait évidemment souhaitable qu’ils puissent également se prévaloir de l’art. 39d LDA pour contraindre un hébergeur à fermer un site de contrefaçons qui aurait été remis en ligne. Rien ne permet cependant à ce stade d’affirmer que tel soit le cas, même si on peut l’espérer.
Lorsque ces conditions sont réalisées, le fournisseur devra alors prendre les mesures que l’on peut raisonnablement attendre de sa part compte tenu du risque de violation pour non seulement retirer le contenu (take down), mais également empêcher sa remise en ligne (stay down). Inutile de dire que le curseur pourra ici varier suivant la taille du fournisseur, sa capacité financière et l’évolution de la technologie. La marge d’appréciation est donc large.
A partir du moment où l’application de l’art. 39a LDA ne peut cependant être appliqué qu’aux hébergeurs situés en Suisse, on peut craindre que son application ne demeure limitée, puisque la plupart des plateformes concernées sont pour la plupart hébergées à l’étranger.
Quoi qu’il en soit, à supposer l’art. 39d LDA applicable, quelles sont les démarches que l’on peut conseiller aux titulaires de droit ?
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