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Échec aux examens : les voies de recours sont trop compliquées

Wilhelm Gilliéron Avocats

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Wilhelm Gilliéron Avocats

Article publié le dans Litiges en procédure administrative

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Garantie procédurale très étendue, le droit au juge ancré à l’art. 29a Cst. est un élément central de l’Etat fondé sur le droit. A quoi bon disposer de droits inscrits dans la Constitution et dans la loi, s’il n’existe pas des juges pour corriger les erreurs des autorités inférieures ? Comme le dit l’adage anglo-saxon : «No right without remedy».

Il est toutefois des domaines dans lesquels la multiplication des voies de recours oblige le justiciable à épuiser tant d’instances précédentes qu’il en sort épuisé lui-même. L’empilement des recours, comme les couches d’un millefeuille, finit par le décourager au point qu’il renonce à poursuivre la défense légitime de ses droits.

Un exemple de cette situation est donné par les recours en matière d’examens dans les écoles supérieures. Les Universités et les écoles supérieures (HES) ont édicté des règlements d’étude de plus en plus exigeants et sévères (en termes de durée d’études, de sessions d’examens, de contrôle des connaissances, de dispenses, etc.). Les étudiants qui n’ont pas terminé une session, échoué à tel ou tel examen, demandé des dispenses pour des raisons médicales, fourni des travaux jugés insatisfaisants, se retrouvent en échec définitif, qui conduit à leur exmatriculation et leur interdit de reprendre les études dans la même filière partout en Suisse, parfois au terme d’une troisième, quatrième ou cinquième année de formation. Sans doute, dira-t-on, mais il existe des voies de recours. Justement : parfois trop.

La loi sur l’Université de Lausanne prévoit un premier recours au niveau de la Faculté, puis de la Direction de l’Université, puis de la Commission de recours de l’Université, puis du Tribunal cantonal (Cour de droit administratif et public), puis du Tribunal fédéral. Les normes applicables à la Haute Ecole spécialisée de la Suisse occidentale (HES-SO) instituent la voie de la réclamation, puis un recours de première instance, un recours à la Commission intercantonale de recours, puis au Tribunal fédéral. Cette accumulation des instances internes de recours, formées d’enseignants ou avec le concours de représentants des étudiants et des corps intermédiaires, est d’autant plus inutile que les autorités internes ne constituent pas des autorités judiciaires, au sens des art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH, faute d’indépendance (cf. ATF 142 III 732 consid. 3.3 p. 734).

On aurait au moins pu s’attendre à ce que les organes de recours internes, plus proches des étudiants, s’accordent un libre pouvoir d’examen, en fait et en droit. Tel n’est généralement pas le cas. Le Tribunal fédéral a fixé une jurisprudence très restrictive, selon laquelle les autorités judiciaires ne disposent que d’un pouvoir restreint en matière d’examens et interviennent uniquement en cas d’abus ou d’excès de son pouvoir d’appréciation par l’autorité inférieure, au point que la décision attaquée doit être tenue pour arbitraire (ATF 136 I 229 consid. 5.4.1 p. 237, 6.2 p. 238). Cette pratique – que l’on peut comprendre de la part de la plus haute juridiction du pays – a été reprise à leur compte non seulement par les tribunaux cantonaux, mais aussi par les autorités inférieures, notamment celles internes aux établissements d’enseignement. Au lieu d’avoir un pouvoir d’examen le plus large en première instance, qui se réduit au fur et à mesure des instances parcourues (selon une sorte d’entonnoir à l’envers), le pouvoir d’examen est restreint à l’arbitraire du bas en haut des voies de recours, comme une sorte d’étroite cheminée. Dans le cas de l’étudiant qui recourt contre une note d’examen, aucune des multiples autorités de recours n’examinera ses griefs avec un plein pouvoir d’examen, ce qui constitue un déni de justice. Cette accumulation des autorités de recours, dont la célérité n’est souvent pas la première qualité, aura également pour effet d’allonger la durée des procédures. Pour une personne en formation professionnelle, ces délais sont dommageables, car ils interrompent le cours des études et retardent l’obtention du diplôme convoité.

Un échec aux examens (qui peut être définitif) est une décision négative, à l’encontre de laquelle le recours ne produit pas, en principe, d’effet suspensif. Cela signifie concrètement que l’étudiant ne pourra continuer son cursus pendant la procédure de recours. Il lui sera interdit de se présenter aux examens, suivre les cours, participer aux travaux pratiques. Dans certains établissements et en cas d’exmatriculation, il n’aura plus accès aux bâtiments et aux bibliothèques. Il lui restera à demander les mesures provisionnelles, mais celles-ci sont généralement refusées, au nom de l’intérêt public qui serait menacé par la continuation d’un parcours de formation qui pourrait être invalidé ultérieurement, ou par la mise en danger de l’égalité entre étudiants.

Le cumul de ces facteurs conduit à penser qu’en matière d’enseignement, les voies de recours (même multiples) ne servent à rien.

Le seul moyen de restaurer le droit et la confiance des étudiants constitue à instituer au niveau de l’établissement d’enseignement concerné une autorité unique de recours, formée de juristes confirmés, autonomes et indépendants, libres dans l’établissement des faits et dans le prononcé du droit, statuant à bref délai et généreux dans l’octroi de mesures provisionnelles.

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